Halte au feu contre les ratios
Le CHFO appelle au sang-froid et à la cohérence.
Des critiques dont le sens politique est dangereux.
Tout d’abord, nous voyons un certain nombre d’experts autoproclamés dénoncer avec dédain cette initiative parlementaire et entonner leur doxa libérale antinormative.
Les mêmes hypocrites, qui la veille sans doute ironisaient sur la foire d’empoigne parlementaire et l’incapacité au compromis, dénoncent maintenant l’aboutissement d’un processus législatif quasi consensuel entamé il y a 3 ans avec le rapport sénatorial sur la situation de l’hôpital. Nous avons là une nouvelle version de la technocratie comme antiparlementarisme.
Dans le débat, tous les groupes parlementaires se sont déclarés favorables aux ratios, les nuances se situant entre le « oui mais » et le « oui donc allons-y ».
Les principaux porteurs du projet, au Sénat Bernard JOMIER déposant, Laurence ROSSIGNOL rapporteure, Catherine DEROCHE présidente de la commission, à l’Assemblée nationale Guillaume GAROT rapporteur et Yannick NEUDER président de la commission puis ministre, ne sont pas des buses ignorantes de nos sujets !
Qui aura la curiosité d’examiner les rapports et les débats verra que toutes les objections soulevées ont été abordées, que ce soit sur les objectifs des ratios, sur leur élaboration, sur leur conséquences, sur leur adaptation à chaque contexte, sur le financement. Les exemples internationaux ont été analysés, comme les études scientifiques sur l’impact des taux d’encadrement au lit.
Qui est contre les ratios de qualité ?
Le Sénat comme l’Assemblée nationale ont entendu des représentants des soignants médicaux et paramédicaux demandant unanimement des ratios de qualité ; ils ont relevé a contrario les réticences de certains représentants des directions.
Alors, quand nous demandons un encadrement de 1 pour 1 en EHPAD, sommes-nous contre les ratios ?
Alors quand nous contestions les ratios iniques mais officieux imposés dans les projets COPERMO, n’avions-nous pas besoin d’un ratio de qualité comme référentiel ?
Quand sont fixés des tarifs d’activité, ne contiennent-ils pas un rationnel d’effectif, soutenable ou non ?
Ce n’est pas le moment ?
L’hôpital se trouve dans une crise majeure, une crise de financement, une crise d’attractivité. Les déficits sont record, les difficultés de recrutement multiples. Or l’adoption de cette loi n’est ni un hasard, ni une mauvaise coïncidence. Elle résulte précisément de l’observation de cette crise et veut fixer un cap, comme la France fondait sa sécurité sociale à un moment où elle était en ruine ! Le rapport sénatorial qui a initié la démarche est précisément une démarche lancée au lendemain de la crise COVID.
L’intention parlementaire est claire : adresser un message de confiance pour les patients, et pour les soignants en leur disant de rester ou de revenir à l’hôpital !
Une loi de bonnes intentions ?
Le risque de décevoir, c’est le risque majeur de cette loi qui ne contient pas les solutions pour se réaliser :
- les ratios eux-mêmes dont la définition va être une vraie bataille, après des années où l’on a jeté par-dessus bord les méthodes de mesure de charge en soins.
- Les ressources en personnels formés, car la loi implique une amplification de l’effort de formation de professionnels qualifiés
- et bien sûr le financement de l’atteinte des ratios quand ce ne sera pas le cas, et il s’agira de pas oublier la promesse dans le PLFSS ni dans la construction des tarifs alors qu’une nouvelle réforme du financement se met en oeuvre!
Non, effectivement il ne s’agit pas d’une loi de financement, et nous sommes les premiers à rappeler que c’est le nerf de la guerre. Mais n’oublions pas la charge symbolique d’une loi qui introduit cette fois la question du travail, d’un travail de qualité plutôt qu’un travail empêché.
Et un enfer pour nous ?
C’est l’autre risque souligné par le ministre lui-même : « il ne s’agit pas de conduire à des situations qui amèneraient à faire porter sur les directeurs d’établissements des responsabilités qui seraient insupportables et les conduiraient à fermer des lits pour ne pas s’exposer ».
Le rapport sur la loi est explicite :
« les fermetures de lit sont aujourd’hui causées par le manque de personnel soignant. L’instauration immédiate d’un ratio ne ferait qu’accentuer ce phénomène puisque les carences de personnel ne sont pas palliées. »
« la proposition de loi présente aujourd’hui tous les garde-fous nécessaires pour que l’instauration progressive de ces nouveaux ratios qualitatifs ne conduise pas à la fermeture de lits »
Même si ce n’est pas l’intention de la loi, ni la portée juridique des nouveaux ratios, nous ne sommes pas naïfs, ils deviendront un objet de marchandage voire de confrontations. Mais ils seront aussi un outil pour nous, pour faire valoir ce que nous estimons des minima de qualité.
Dans tous les cas nous saurons rappeler les engagements pris par le Parlement et le Gouvernement lors de ce débat.
L’objection de la rigidité, avancée par le président de la commission des affaires sociales et ci-devant président de la FHF, est facile dans ce temps de dénonciation des normes, mais bien peu étayée à ce stade : beaucoup évoquent des ratios « fourchettes », et la loi prévoit leur déclinaison en organisations des soins des services approuvées par les Commissions des soins et CME.
Il reste de multiples insuffisances et défauts dans un texte de loi qui a quand même le mérite d’être bref. La loi ne définit pas précisément le périmètre des ratios et les débats semblaient en exclure les médecins, ce qui ne tient pas. Or la crise démographique est profonde sur de nombreuses disciplines. De même, l’exclusion du secteur lucratif ne pourra pas tenir, même si nos spécificités doivent être préservées, la notion d’alerte au bout de trois jours est inapplicable. Le travail de mise en œuvre conduira sans doute à réviser le texte lui-même.