Il y a quelques jours, France Stratégie, organisme placé auprès du premier ministre, publiait un rapport intitulé « Travailler dans la fonction publique – Le défi de l’attractivité ».
Par un cruel télescopage temporel, ce rapport était publié au moment où un gouvernement déjà finissant avait ouvert les vannes de tous les discours empreints de la haine du fonctionnaire.
A ce propos, on lira avec intérêt l’ouvrage de trois universitaires, Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier, consacré à « La haine des fonctionnaires ». L’ouvrage explore en particulier une question : « Pourquoi certains (hauts) fonctionnaires comptent-ils parmi ceux qui la répètent le plus ? ». Elle est de première importance, car l’adage d’Erasme est bien connu : le poisson pourrit par la tête.
Dans notre environnement, ne voyons-nous pas d’anciens hauts responsables hospitaliers vilipender un statut qui les fit rois ?
Le CHFO pour sa part défend sans complexe le statut, il n’a jamais cédé aux illusions du modernisme managérial qui s’apparente parfois à une dérive sectaire qui maltraite les collègues.
Le CHFO défend le statut pour ses membres et pour tous les hospitaliers. Il dénonce le recours abusif aux contractuels, car, comme l’illustre le recensement récent effectué par le CNG, ce recours s’est répandu dans des établissements qui manifestement ne sont pas les premiers frappés par un déficit d’attractivité géographique.
Le CHFO n’adhère pas plus aux concepts bullshit du management générationnel, qui insinue que le statut ne fait plus rêver les jeunes. Il n’a jamais fait rêver personne, on ne brûle pas des cierges devant l’autel du statut. Il s’agit de respecter une construction patiente de notre République et de ses révolutions, qui a défini le service public, le service au public avec les contraintes qu’il nous impose et les protections qu’il nous doit en retour.
Le CHFO ne refuse pas les adaptations du statut, il en a porté et en porte encore. Mais toujours il interrogera sur les finalités de chaque règle et de chaque réforme, dans le sens du progrès et de l’attractivité.
Alors, quels messages porte le rapport de France Stratégie ?
Tout d’abord un message d’alerte car « nous faisons face à une crise structurelle et durable qui menace nos services publics ». Les constats portent sur les postes non pourvus, la baisse des candidatures aux concours et la difficulté à fidéliser les agents. Tout cela trouve un large écho dans nos établissements comme pour les corps de direction de la FPH.
Il n’y a donc pas lieu de dénoncer nos discours de Cassandre, c’est une institution de l’Etat qui le dit !
Ainsi il faut balayer d’un revers de main l’idée que nous, comme d’autres, serions en train de défendre des privilèges.
Dans la comparaison avec le privé, on nous a asséné l’impératif d’égalité sur les jours de carence ; faut-il faire la balance avec le niveau de protection sociale complémentaire entre les groupes privés et nos établissements ? Nous sommes battus à plate couture.
Dans cette comparaison, on peut encore prendre l’exemple affligeant du CTI. Sa généralisation au secteur privé n’a pas fait un pli l’été dernier. Les agents des établissements publics du handicap ou de l’insertion attendent encore.
Parlons retraite. Les difficultés que connait aujourd’hui la CNRACL seraient-elles dues à un régime trop favorable. Certainement pas, puisqu’à la question posée d’y affilier les contractuels pour faire entrer plus de cotisations, il a tout de suite été répondu non, car ces derniers seraient perdants…
Le rapport délivre aussi un message d’action car « il existe plusieurs leviers mobilisables pour reconstruire l’attractivité de la fonction publique ». Il propose 3 grands types de leviers :
- un discours de revalorisation de la fonction publique, (reconnaissance de la diversité et de la spécificité de ses missions et métiers, reconnaissance de son sens propre, le service de l’intérêt général dans une société en mutation) ;
- une action pour mieux faire connaître les atouts de la fonction publique, pour déconstruire les perceptions erronées, et améliorer la transparence sur ses conditions d’exercice et la visibilité de ses carrières ;
- une consolidation des avantages à travailler dans la fonction publique pour en faire des arguments d’attractivité.
Sur ce troisième volet, le rapport précise les pistes :
- combiner la garantie de l’emploi avec des perspectives d’évolution et de progression,
- valoriser les possibilités de maîtrise du temps de travail et de son organisation pour répondre à la demande de conciliation des temps professionnels et personnels,
- renforcer la reconnaissance, y compris salariale, pour (re)donner les moyens aux agents de faire leur travail et de satisfaire leur volonté d’être utiles.
Reconnaissons qu’il est assez incroyable de lire cela, émanant d’une institution étatique début décembre 2024. Même s’il est un peu tôt, faisons le vœu que cela soit le signal d’un nouveau cap ce l’action publique.
Sur les déroulements de carrière, sur la conciliation vie personnelle/professionnelle, le CHFO a diffusé récemment les résultats de son enquête sur la mobilité. Il s’en dégage une réalité complexe, qui mêle l’intérêt et la diversité du métier, mais aussi le poids de la mobilité sur nos vies personnelles et familiales. Il faut admettre que cela peut faire fuir, que c’est un équilibre fragile qu’il faut sans cesse adapter : donner plus de visibilité, sécuriser les retours, etc. Mais quand on nous bassine sur cet incroyable privilège du logement par nécessité absolue de service, c’est le dégoût qui l’emporte.
Nous avons bien relevé que cette question de la mobilité est inscrite dans les priorités de la feuille de route du CNG, nous sommes prêts avec des propositions, et en articulation étroite avec l’amélioration et l’enrichissement des Lignes directrices de gestion.
S’il faut parler du levier salarial, nous avons plutôt des exemples d’inaction.
Pour les directeurs des soins, rien n’est plus irritant que d’entendre une nouvelle fois le discours « main sur le cœur » du caractère indispensable de ce métier, car aussitôt on distille l’idée que ce n’est pas qu’une question de salaire, ou pire on assène qu’il ne faut pas aligner sur les DH car c’est spécifique. Argument qu’il faut bien qualifier de « crasse » si l’on connait la grille des ingénieurs en chef. Avec de tels amis, les DS n’ont pas besoin d’ennemis.
Pour les D3S, on atteint le sommet des contradictions avec les beaux objectifs de lisibilité et de simplification. Nous constatons un degré inégalé de confusion entre statuts, métiers, structures. On occupe indifféremment des missions sanitaires ou médicosociales du CHU à l’EHPAD mais on doit conserver deux statuts, en attendant l’implosion inéluctable.
Pour nos trois corps globalement, l’absence de transposition de la réforme de la haute fonction publique est en train de creuser le fossé. Les semestres s’enchaînent avec la perte afférente en échelons.
Pendant ce temps, la DIESE réfléchit doctement à la prochaine étape de la réforme de la haute fonction publique, car « il y a un narratif à reconstruire », mais pour nous le narratif c’est celui « d’un jour sans fin ».
Tout cela serait-il anodin ? Pourtant, on nous signale que les concours 2024 de l’INSP ont battu un record historique d’inscriptions depuis la création de l’ENA. C’est donc étonnant, les postulants savent lire une grille indiciaire et indemnitaire…
La question des concours est d’ailleurs à l’ordre du jour du Comité consultatif national de ce 17 décembre 2024. Elle comprend une première dimension : combien faut-il recruter de directeurs pour répondre aux besoins de renouvellement des effectifs. Mais tout de suite surgit la seconde dimension : combien peut-on en recruter ? Pour pouvoir, nous y reviendrons dans cette séance, il faut s’en donner les moyens : calendrier des concours et de la formation, conditions à l’Ecole et dans les stages, postes proposés à la sortie de l’Ecole.