La procédure accélérée sur cette proposition de loi ayant été décidée par le Gouvernement, après adoption en première lecture par chacune des 2 chambres, une commission mixte paritaire s’est réunie le 12 mars 2024 pour trouver un compromis sur les articles n’ayant pas été votés de manière identique. Le texte final est soumis à l’Assemblée nationale ce mardi 19 mars et au Sénat le mercredi 27 mars.
L’un des articles concernés était le nouvel article 1er bis BA introduit par amendement en séance publique du Sénat. Cet article visait à solliciter en amont de la nomination des directeurs d’EHPAD publics par l’autorité compétente de l’Etat, l’avis du président du conseil départemental, en lieu et place du président du conseil d’administration.
Le CHFO avait adressé à chacune et chacun des membres de la CMP une lettre demandant de ne pas retenir cette nouvelle disposition.
Le CH-FO remercie les députés et sénateurs qui ont répondu positivement à sa demande puisque le sujet de la nomination des directeurs après avis du président du conseil départemental est écarté.
Voici l’intervention de Laurence CRISTOL députée, rapporteure pour l’Assemblée nationale :
« Il s’agirait d’une dérogation aux règles relatives aux nominations des directeurs des ESMS publics. Les maires, qui occupent la présidence du conseil d’administration des Ehpad communaux, ne seraient plus consultés. En outre, cette nouvelle procédure alourdirait le processus de nomination des directeurs d’Ehpad publics.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de supprimer cet article. »
Le CHFO reviendra sur les multiples dispositions de cette loi (droits des résidents, tarification, service public départemental de l’autonomie…)
ET LES FUTURS GTSMS ?
Il faut souligner dès à présent une autre disposition du projet de loi susceptible d’avoir un impact important sur l’exercice des directeurs d’établissements de la fonction publique hospitalière. Il s’agit de l’instauration à l’article 1er bis F d’une nouvelle modalité de coopération dénommée Groupement Territorial Social et Médico-Social (GTSMS), sous la forme juridique des GCSMS déjà existants dans le paysage médico-social.
Cette nouvelle formule d’organisation vise à élaborer une stratégie commune d’accompagnement des personnes accueillies en vue d’assurer la cohérence du parcours des personnes âgées, en incluant un volet relatif aux personnes handicapées vieillissantes, au sein d’un territoire. Elle vise également à donner un support aux actions de coopération et de mutualisation de ressources, en obligeant à mutualiser au moins une fonction parmi une liste de 7 inscrite dans la loi.
L’adhésion à un GHT ou à un GTSMS sera obligatoire pour les établissements publics pour personnes âgées (EHPAD, PUV, accueils de jour autonomes et services à domicile publics autonomes) ; cette obligation ne s’appliquant pas aux EHPAD relevant de la FPT, renforcera un certain clivage entre structures en fonction de leur statut.
La présentation de ce dispositif par la commission des affaires sociales du Sénat est explicite, puisqu’elle est titrée : « Organisation de l’offre médico-sociale : contraindre le secteur public à se regrouper »
Cette nouvelle contrainte à se regrouper, imposée aux établissements publics, témoigne ainsi d’un management qui ne s’inscrit ni dans la confiance, ni dans une dynamique motivationnelle. L’intention est donc claire : reproduire pour les EHPAD publics autonomes le traitement appliqué aux EPS avec les GHT.
Le Sénat a introduit la possibilité d’adhésion volontaire aux GTSMS pour les établissements du champ du handicap.
Le territoire d’implantation sera choisi par le GTSMS afin d’assurer une réponse de proximité aux besoins et la mise en œuvre d’un parcours coordonné des personnes âgées accompagnées. Mais la convention constitutive sera soumise à l’approbation de l’ARS et à son appréciation de la conformité au PRS.
D’autre part, chaque groupement territorial social et médico‑social établira un partenariat avec un GHT ou un établissement de santé par voie de convention.
Le nouveau dispositif de GTSMS doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025, avec une période transitoire de trois ans. Dans le même temps, la loi « Valletoux » du 27 décembre 2023 ouvre la possibilité de constituer les GHT en GCS (art 25) et organise la procédure de changement de GHT pour un établissement (art 26). On peut donc s’attendre à des interactions, voire des interférences entre les deux dispositifs.
UN NOUVEAU COUP SUR LES DIRECTEURS D’EHPAD ?
Le projet de loi prévoit que le GTSMS soit « dirigé par un directeur d’établissement sanitaire, social ou médico-social nommé par le directeur général de l’agence régionale de santé, après avis du président du conseil départemental, sur proposition de l’assemblée générale. À défaut de proposition de l’assemblée générale, le directeur général de l’agence régionale de santé nomme le directeur sur le seul avis de la collectivité ».
Cette disposition particulièrement mal rédigée crée une confusion entre la gouvernance et le statutaire. Au lieu d’avoir un administrateur élu par l’Assemblée générale, sur le mode coopératif habituel, le GTSMS aurait un directeur nommé par le DG ARS. On crée ainsi une confusion entre la fonction dans la gouvernance et un éventuel emploi au niveau du GTSMS, alors que la nomination dans les emplois de D3S relève du CNG sur proposition de l’ARS.
En outre on introduit ici l’avis du président du Conseil départemental. Encore une fois, autant l’avis du président du CD aurait pu être inscrit sur la définition du périmètre du GTSMS, pour la cohérence avec le schéma gérontologique, autant on ne perçoit pas l’utilité de cette immixtion dans la gouvernance d’un groupement.
Le CHFO est aussi intervenu en amont auprès du Sénat pour écarter ces dispositions, mais nous n’avons pas eu le même succès que pour le processus de recrutement des chefs d’établissement. Une fois adoptées à l’identique au Sénat, la CMP ne pouvait plus revenir sur le débat.
Certains ont pu défendre cette évolution en invoquant qu’une telle convergence avec les GHT faciliterait la convergence sur les statuts.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas de « preuves d’amour ». Le projet GTSMS est adopté à l’Assemblée nationale en avril 2023, il est repris tel que par le Sénat début 2024. A aucun moment nous n’avons vu l’administration en tirer des conséquences statutaires favorables, alors qu’elle est complètement impliquée dans les débats au Parlement. Même cette attitude motivationnelle n’a pas été envisagée par nos interlocuteurs.
Au final, cette loi « portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie » ne répond pas aux enjeux majeurs du secteur et aux difficultés actuelles qui ne pourront que s’aggraver. Le « bien vieillir » reste un vœu pieux. Le compte n’y est pas !
Si la création de GTSMS peut faciliter la mise en œuvre des coopérations et réorganisations nécessaires, ce doit être sur un mode coopératif.