« N’ai-je donc tant vécu… »
L’émotion est vive depuis le drame survenu au CHU de Reims. Près de 20 ans après celui de Pau, le deuil frappe encore nos secteurs. Les déclarations tous azimuts révèlent une pluralité d’opinions, et il est en effet difficile de s’exprimer d’une seule voix. Au même titre qu’il est impossible d’apporter une solution unique pour parer à toutes les éventualités et renforcer la sécurité des personnels. Il n’en demeure pas moins que cet acte abject témoigne s’il en était nécessaire des dangers de métiers insuffisamment reconnus et trop peu valorisés.
La Conférence du Handicap s’est tenue le 26 avril dernier, soit à peine quelques jours après sa convocation officielle. Un secret bien gardé qui s’est traduit par des annonces toutes aussi discrètes. Les acteurs irrités en amont avaient pour certains fait le choix du boycott. En définitive, la Conférence a, ô surprise, accouché d’une souris. Aucune réponse structurelle n’est apportée. Aucune création de places qui demeure une attente des familles comme des acteurs n’est programmée. Aucune revalorisation des professionnels pourtant nécessaire pour provoquer un choc d’attractivité n’est prévue. Tout cela sur un fond de refus persistant d’une “grande” loi autonomie. En l’absence de moyens supplémentaires, les acteurs du secteur ont compris l’impossibilité de développer une société réellement inclusive. Statu quo donc. En revanche pour les directeurs, des contraintes, toujours plus de prérogatives à assumer mais ni soutiens ni moyens. Une vive inquiétude demeure et se pose la question d’une volonté, non affichée, de déconstruction systémique des établissements et services.
Après la publication de l’instruction budgétaire médico-sociale 2023, les acteurs du secteur sont unanimement dépités. Les moyens sont loin de correspondre à la réalité. L’insuffisance caractérise l’impossibilité de faire face à la conjoncture économique et à la pénurie des ressources humaines. L’augmentation de l’objectif global de dépenses à 5,13% ne compense pas les multiples hausses de coûts (inflation, revalorisation du point d’indice, énergie, …). Et surtout elle ne contribue pas à rendre effective l’attractivité nécessaire en termes de création d’emploi et de rémunération. Une fois encore cela symbolise la déconnexion entre les politiques publiques et le terrain. Il est indispensable que le Gouvernement se saisisse des enjeux et se montre à la hauteur. Des actions ambitieuses sont attendues urgemment pour la survie de nos établissements. Les situations financières sont inextricables. Les réserves de trésorerie sont asséchées. Les institutions bancaires refusent les prêts pour couvrir des déficits structurels. Loin des « superprofits », pour le médico-social le temps des « superdéficits » est arrivé.
Sur le volet personnes handicapées, la campagne budgétaire affiche un objectif global de dépenses en augmentation de 2.53%. Plusieurs priorités sont ciblées dont le développement de l’école inclusive, le repérage et l’accompagnement précoce. Le mécanisme de convergence tarifaire confirme son caractère dogmatique. Cela se traduit par le gel de la dotation des mieux lotis. Toutefois la question de la revalorisation juste et réelle de ceux qui sont en dessous des seuils n’est évidemment pas évoquée. Une logique dont les acteurs se sont accoutumés bien malgré eux, mais qui est devenue usuelle.
Sur le volet personnes âgées, les financements poursuivent la volonté de déployer les centres de ressources territoriaux, de renforcer la présence des médecins coordonnateurs et le taux d’encadrement soignant en EHPAD. Des crédits sont également dédiés en faveur des aidants et des SIAD. 3000 recrutements supplémentaires sont annoncés pour 2023. En considérant qu’au 31 décembre 2019 la DREES dénombrait 7403 EHPAD en France, cela représente donc 0.4 personne supplémentaire par établissement… Et ces annonces ne semblent guère tenir compte des difficultés actuelles pour pourvoir les postes déjà existants, mais vacants. A quand le choc d’attractivité indispensable pour nos établissements, et in fine, pour l’accompagnement de nos concitoyens ?
Inflation, tensions des ressources humaines, insuffisance des financements, contrecoup de la crise sanitaire…La situation n’a jamais été aussi critique. Les EHPAD ont leurs trésoreries exsangues. Et les taux d’évolution du tarif hébergement fixés à 2% comparés à une inflation largement supérieure consacrent l’impasse dans laquelle se trouve le secteur. La réponse miraculeuse mise en avant depuis plusieurs mois devait résider dans une fameuse grande Loi. Elle était annoncée pour 2022 !! Dans les faits, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France n’y ressemble en rien. Les députés, conscients de l’insuffisance ont pourtant adopté un amendement engageant une loi de programmation. Repoussée à début juin suite à la suspension de son examen fin avril, celle-ci est désormais reportée au mieux à l’automne. Avant d’être reportée sine die ? L’impression d’une volonté délibérée de saccager l’existant s’installe. La crise sanitaire a durement éprouvé les professionnels qui par leur engagement ont limité drastiquement le nombre de morts. Un devoir de mémoire ne serait pas superflu. Et des mesures à la hauteur de leur engagement non plus.
Dans la même tonalité, le CHFO dénonce depuis le début l’injustice du CTI. Les décrets étendant progressivement le bénéfice du CTI méconnaissent le principe d’égalité de traitement des fonctionnaires dans la mesure où un avantage pécunier ne bénéficie pas à l’ensemble des fonctionnaires se trouvant dans une situation identique. Il n’existe aucune différence objective dans l’exercice des fonctions entre agents exerçant au sein d’un établissement autonome et ceux exerçant les mêmes fonctions au sein d’un établissement rattaché. Il n’existe pas non plus de motif d’intérêt général ni de circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier le choix d’exclure ces agents du dispositif. Aujourd’hui, plusieurs milliers d’agents de la fonction publique hospitalière sont toujours privés du bénéfice du CTI. Le CHFO, seul syndicat de directeurs à dénoncer et à agir contre l’injustice du CTI, a saisi les Ministres concernés pour étendre le CTI à l’ensemble des personnels de la FPH.
La DGOS a ouvert un cycle de négociation en constituant des groupes de travail thématiques pour les 3 corps de directeurs. Le point de départ se situe dans la Réforme de la haute fonction publique réalisée l’an dernier, et qui doit être transposée sur les 3 versants avec une mise en œuvre au 01er janvier 2024. Les travaux concernant les DH et les DS ont déjà démarré, portant notamment sur l’accès aux corps et sur le déroulement des carrières. Prévu initialement le 09 mai le groupe de travail pour les D3S n’a de cesse d’être ajourné. Déjà l’intitulé du groupe de travail « perspectives d’évolution » laissait dubitatif, les hypothétiques négociations se sont transformées en arlésienne. Nos collègues sont en attente d’une unicité statutaire induisant enfin reconnaissance, considération et revalorisation financière. Rappelons-le, une revalorisation figée depuis 2011. Mais le report systématique comme l’intitulé n’illusionnent personne. Que peut bien vouloir signifier « perspectives d’évolution » ? Vu le déroulement et au regard de la deadline fixée, les annonces seront, à n’en pas douter, déterminantes pour l’avenir des D3S. Les effectifs fondent entre départs, détachements et difficultés à garnir les bancs de l’EHESP. La loi 3DS a ouvert une brèche en exfiltrant nos collègues chefs d’établissements dans l’Enfance. L’ADF ne fait pas mystère de ses velléités. Alors pour quelles raisons « jouer la montre » ? Plus l’annonce sera tardive, moins les organisations syndicales et les collègues pourront se mobiliser. Et donc plus l’Administration aura les mains libres. Les collègues exerçant en Centre hospitalier et les emplois fonctionnels peuvent espérer rester dans le giron de la FPH. Mais pour les autres, quid ? L’avenir des D3S s’inscrit-il dans l’extinction progressive du corps ? Le scénario d’une grande bascule vers la FPT va-t-il être annoncé ?? Et sur quel grade ?? L’habitude des D3S de se voir, au mieux, ignorés, au pire, déconsidérés laisse présager de sombres négociations.
« Ô cruel souvenir de ma gloire passée, Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur,
Précipice élevé d’où tombe mon honneur ! »
Les décisions de l’Instance collégiale :
Les emplois publiés avaient recueilli un nombre variable de candidatures, entre 0 et 8. L’instance a retenu des candidats pour 26 emplois :
16 emplois n’ont aucun candidat, dont 14 n’avaient reçu aucune candidature,
14 emplois ont 1 seul candidat,
4 emplois ont 2 candidats,
4 emplois ont 3 candidats,
2 emplois ont 4 candidats
2 emplois ont 6 candidats
A noter que pour cette instance, 61 candidats différents ont postulé sur un ou plusieurs des 42 emplois, dont 33 femmes : 45 D3S, 4 DH, 2 inscrits sur la liste d’aptitude, 1 issu d’une autre Fonction publique et 13 non-fonctionnaires.
L’échéance de communication des choix définitifs est fixée au 20 juillet 2023.