Nos établissements sont au bord du naufrage : double pénurie médicale et soignante qui oblige à fermer des lits et à jongler en continu avec le tableau des gardes et astreintes, SAU /Centre 15 saturés, absence de visibilité complète sur les modèles budgétaires, devenir très incertain des services qui fonctionnent exclusivement avec de l’intérim, perte d’attractivité pour des personnels qui ne veulent plus travailler le WE et la nuit…), etc.
Dans un tel contexte, la lettre de mission BRAUN / BAILLE-CLARIS est un coup porté à tous les directeurs d’hôpital et à tous les Présidents de CME qui résolvent au quotidien les nombreuses difficultés que doit affronter l’hôpital public, et ce depuis des années. Drôle de reconnaissance après ces trois ans de crise sanitaire.
C’est une initiative qui ressemble fortement à une tentative de diversion alors que les vrais problèmes de l’hôpital sont ailleurs, financiers et en termes d’attractivité des ressources humaines.
L’idée de binôme ou tandem, laisse penser que le problème de la gouvernance hospitalière est entre le directeur et le PCME alors que chacun sait que la gouvernance hospitalière est beaucoup plus complexe, et doit notamment inclure le directeur des soins, le Doyen dans les CHU etc.
Ce débat éternel sur la gouvernance est vain car dans la majorité des hôpitaux il y a une bonne entente des différentes parties prenantes qui savent que la coopération et la concertation sont les conditions du succès.
Cette lettre de mission est abracadabrantesque. Qui peut croire un seul instant à la viabilité et à l’opérationnalité du tandem décrit ! Un tandem qui postulerait ensemble, qui muterait ensemble, qui partagerait une même responsabilité, qui porterait un même projet, qui déciderait de tout en tout lieu et en tout temps, qui serait révoqué ensemble…
Non décidément, cet « Avatar 2 » de la gouvernance s’annonce plus comme un mutant stérile : jumeaux siamois, hydre à deux têtes ou amphisbène, qui ne pourra jamais avoir d’existence juridique… Si seulement on trouvait assez de candidats médecins pour s’unir avec des directeurs, officiellement qualifiés d'”administratifs” dans une lettre de mission à la syntaxe largement bâclée ?
Accessoirement, si on veut créer ces postes de directeurs médicaux dans nos 680 hôpitaux, cela va représenter un coût minimal de 140 millions d’euros.
Le seul binôme viable est le binôme actuel Directeur/Président de CME. Il est certes imparfait mais toute la gouvernance hospitalière s’est construite autour de lui. La circulaire CLARIS nous a même demandé de le renforcer et de le consacrer il y a à peine une année. Et on veut le casser pour partir à l’aventure dans le pire des moments. Si on voulait démotiver définitivement ceux et celles qui tiennent encore un peu le système public hospitalier, on ne s’y prendrait pas autrement.
Dans le passé ancien et récent, il s’est toujours trouvé des esprits imaginatifs, y compris chez d’ex collègues, pour inventer la potion magique de la gouvernance, avec en point commun leur méconnaissance ou leur absence du terrain…
Déjà, il circule les scénarii les plus farfelus pour répondre avec zèle à la diversion gouvernementale. Pas étonnant quand on annonce une nouvelle réforme, sans en définir les objectifs ni les difficultés qu’elle doit résoudre.
La seule raison invoquée est que c’est une « bonne chose de travailler main dans la main ». Décidément, l’idéologie de la « douce gouvernance » c’est le degré zéro de la pensée managériale. Chaque jour c’est la réalité du « dur gouvernement » qui nous est opposée.
Pour le CHFO, cette nouvelle mission est une mesure de diversion.
On est en droit de demander si l’objectif n’est pas la casse pure et simple du service public dans le but de confier ses missions les plus lucratives à d’autres opérateurs.
Pour le CHFO, ce n’est plus l’heure du « oui mais ».
Les conseils de surveillance, les directeurs, les PCME, les directeurs des soins et toutes leurs organisations doivent s’unir pour affronter les vrais défis et refuser ce nouveau chamboule-tout institutionnel.