Dans notre ère du tout communication, on a souvent constaté que les annonces se substituaient aux « réformes ». Le suspense savamment entretenu avant et les commentaires empressés ensuite alimentent la machine médiatique.
Le discours prononcé par le Président de la République au CHSF le vendredi 6 janvier illustre bien cette mécanique.
Qu’en est-il en réalité ?
Une allocution longue, émaillée de nombreux commentaires et de reprises d’idées reçues, cela ne facilite pas la distinction d’annonces fortes de propositions structurées.
Pour autant, nous invitons toutes les personnes intéressées à consulter la source du discours plutôt que les commentaires enthousiastes ou expéditifs.
Ce qui peut être souligné, c’est la référence appuyée du Président de la République à « ma santé 2022 » et à son discours du 18 septembre 2018.
Revendiquer encore aujourd’hui que le diagnostic était juste n’a rien pour rassurer : les difficultés n’étaient pas une question de moyens mais d’organisation, priorité était donnée à un recentrage de l’hôpital, à la médicalisation de la gouvernance, au renforcement des pôles et des GHT…
Les annonces faites ensuite en 2020 et 2021 d’un changement radical ne sont plus évoquées. L’essentiel des mesures relèvent tantôt d’une amplification tantôt d’une inflexion de « ma santé 2022 ».
Sur la Médecine de Ville
Certaines annonces sont précises voire quantifiées, en particulier celles qui concernent la médecine de Ville : passer de 4000 à 10000 assistants médicaux, garantir aux 600000 personnes en ALD l’accès à une « équipe traitante » à défaut de médecin traitant.
Mais sur la médecine de Ville, sur la permanence des soins, sur la participation à la responsabilité territoriale, sur la meilleure répartition des contraintes, beaucoup évoqués, rien de précis encore ne se dégage, y compris avec des confusions entre permanence des soins et continuité des soins.
Sur la démographie des professions et la formation
Le constat est l’absence de solution immédiate et l’annonce est « une situation qui va plutôt se dégrader en termes d’offre médicale ». Aucun chiffre n’est rappelé, aucun cap n’est fixé en termes de formation de médecins ou de paramédicaux. Face à un système des formations complexe, l’Etat semble hésiter à actionner vigoureusement ce levier alors que beaucoup demandent un vrai plan Marshall.
Le remède de court terme consiste à redonner du temps aux médecins, et plus généralement aux soignants. Et comme il y a déjà beaucoup d’administratifs, mais sans préciser lesquels, à l’hôpital, dans les ARS et les administrations centrales, on va les déplacer vers le terrain et les équipes de soins.
Il est aussi évoqué de reformer Parcours Sup inadapté à la détection des vocations, de « réguler » l’entrée dans la carrière (interdiction de l’intérim de début de carrière prévu dans le PLFSS ayant été révoqué par le Conseil Constitutionnel en tant que « cavalier social »).
Sur les établissements de santé
Le premier point abordé est une diatribe, 20 ans après, sur les 35 h à l’Hôpital qui serait le seul à ne pas s’être réorganisé et croulant sous les rigidités !! Cette sortie a déclenché à peu près autant d’incompréhension que celle du 31 décembre sur la surprise du réchauffement climatique…S’agit-il d’assouplir pour ne plus payer les heures supplémentaires déjà si peu valorisées ?
Pour le CHFO, il n’est pas admissible de réécrire l’histoire ; ce qui a pesé lors de la mise en œuvre des 35H à l’hôpital, c’est la politique mise en œuvre : d’une part, alors que la mesure était annoncée en 1997, le numérus clausus et les quotas de formation diminuaient encore jusqu’en 2002 et parfois bien au-delà ; d’autre part le cadre fixé par les pouvoirs publics, ne compensait pas intégralement les heures perdues, donc les accords RTT dans leur différentes versions ont bien sûr conduit à une intensification du travail et à une continuité des soins plus difficile.
L’annonce consiste en une remise à plat d’ici le 1er juin par une équipe projet, et dans le même délai dans chaque hôpital la finalisation des discussions avec toutes les équipes, l’ensemble des partenaires sociaux pour adapter les plannings et les organisations de travail. Cela demande certes à être précisé.
Le second sujet hospitalier abordé est celui du pilotage des établissements avec le souhait de mettre en place un vrai tandem médico-administratif choisi sur un projet. A contrario, des annonces antérieures, et des engagements du ministre à la fin de l’été, il est donc envisagé une énième réforme de la gouvernance, venant remplacer la précédente et « définitive », qui bien sûr n’a pas été évaluée. Et une fois de plus la place des autres soignants dans la gouvernance est ignorée. Si la proposition nie vouloir opposer les catégories, elle a aussitôt lâché la bride aux habitués du directeur bashing. A ce stade la proposition est confuse (il est même question de conseil d’administration), à l’envers des besoins de simplification exprimés et des exigences de clarté dans les responsabilités. Le CHFO s’opposera à toute complexification qui affaiblirait le pilotage des établissements, et s’inscrira en faux des probables mises en cause simplistes des responsabilités (que personne d’autre ne veut supporter) et des compétences des directeurs.
Le troisième sujet hospitalier est celui du financement : il s’agirait de sortir de la tarification à l’activité dès le prochain PLFSS. Plus précisément, est annoncé un système ternaire : une part structurante de la rémunération qui repose sur des objectifs de santé publique, une rémunération effective des missions réalisées par chacun, et enfin une part de rémunération à l’activité qui est tout à fait légitime et qui doit continuer.
En clair, il vaut mieux ne pas s’arrêter aux slogans, et surtout obtenir des réponses pour que 2023 ne soit pas une année de naufrage budgétaire, avec l’impossible relance de l’activité.
Enfin le Président de la République a élargi la question des organisations de travail à celle des conditions de vie et annoncé l’intention d’un accompagnement massif à une politique de logements dédiés aux hospitaliers, ainsi qu’un accompagnement sur les transports et le stationnement.
En conclusion
Le CHFO constate que les annonces faites le 6 janvier relèvent plus d’un accompagnement de la crise que d’une véritable transformation ; elles sont encore trop imprécises pour faire la balance entre celles qui sont inquiétantes et celles qui sont porteuses.
Le CHFO considère qu’il manque encore un cap clair et mobilisateur pour reconstruire un service public fort. Sur le ton comme sur le fond, l’hôpital et l’ensemble des professionnels de santé méritent mieux que cela.
Le CHFO n’acceptera pas que les directeurs soient les « bouc émissaires » d’une situation qui est avant tout la conséquence des choix politiques des vingt dernières années.
Le CHFO rappellera prochainement au Ministre ses propositions immédiates pour un CNR santé utile.