Cadres Hospitaliers : et si l’on parlait rémunérations ?

Alors que les conflits sociaux sur les salaires se diffusent, en particulier dans le secteur privé, le CHFO fait le point sur la rémunération des cadres hospitaliers. C'est toute la chaîne administrative et technique de nos établissements qui est concernée par les pertes de pouvoir d'achat. Et pour la filière paramédicale, les revalorisations du SEGUR sont loin d'avoir comblé le retard. Le CHFO est solidaire des hospitaliers qui se battent pour de meilleurs salaires.

Attractivité des corps de Direction de la FPH

Il faut parler rémunérations !

La revalorisation de la valeur du point d’indice intervenue au mois de juillet, en réaction à la flambée de l’inflation, est loin de clore le dossier.

Au printemps dernier, l’association « Finances Publiques et Economie », alias FIPECO publiait une note d’analyse sur « La politique salariale dans la fonction publique », donnant le cadre des enjeux actuels sur l’inflation, la valeur du point d’indice et l’attractivité des carrières de la FPH (lire l’article).

En résumé, l’article partait de quelques constats saisissants :

De 2007 à 2019, le salaire moyen net par ETP (équivalent temps plein) a progressé en moyenne et en euros constants de 0,3 % par an dans la fonction publique d’Etat (FPE) et dans la fonction publique territoriale (FPT) de 2007 à 2019. Son évolution a été négative (- 0,2 %) dans la fonction publique hospitalière (FPH). Dans le secteur privé, il a progressé en moyenne de 0,5 % par an.

En 2019, les cadres de la fonction publique de l’Etat et des collectivités locales étaient moins bien rémunérés que ceux du secteur privé (pour la FPH, la donnée inclut encadrement et médecins). Cela confirme une étude INSEE sur les salaires 2016 qui indiquait que les 1% les mieux payés de la Fonction publique percevaient 30% de moins que les 1% du secteur privé.

Sur la période, la politique salariale a été marquée par le quasi-gel de la valeur du point depuis 2010.

L’article signale toutefois que pour les personnes en place depuis 2009, le pouvoir d’achat a néanmoins augmenté de 0,8% par an pour la FPH du fait de l’avancement, des mesures catégorielles et de la garantie individuelle de maintien du pouvoir d’achat (GIPA).

« En revanche, les salaires d’entrée dans la fonction publique sont quasiment gelés, en euros courants, depuis 2010, sauf pour les postes les moins qualifiés, ce qui conduit à une diminution de l’attractivité des administrations. »

L’auteur fait ainsi le lien avec le rapport du nombre de candidats présents au nombre de postes offerts dans les concours externes qui est passé de 23,6 en 2010 à 10,1 en 2019 pour les cadres, hors enseignants.

Cet article reprend ainsi des éléments de constat de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique, dont la Restitution des travaux avait eu lieu en mars :

« Il est à noter que le salaire moyen constaté au sein du secteur public en 2019 (2 320 € nets mensuels) est très proche de celui observé dans le secteur privé (2 424 €).

En revanche, les 60 % de fonctionnaires gagnant le moins ont, en moyenne, des salaires supérieurs aux 60 % des salariés du secteur privé présentant les plus faibles rémunérations.

La dynamique s’inverse et les écarts se creusent pour les catégories supérieures, ainsi, le 1 % des agents publics les mieux rémunérés perçoivent en moyenne une rémunération inférieure de 27,5 % au 1 % des salariés du secteur privé les mieux rémunérés.

41 % des agents de la fonction publique s’estiment mal payés contre 35,3 % des salariés du privé

Au sein de la fonction publique hospitalière, 50% des agents s’estiment ainsi mal payés. »

Ce lien fait entre les rémunérations et l’attractivité n’est pas nouveau. Ainsi, dans le rapport de la Mission Haute Fonction Publique, Frédéric THIRIEZ expliquait : « Force est de constater qu’un décrochage important est apparu au fil des décennies par rapport aux rémunérations du secteur privé pour des postes à niveau de responsabilité équivalent ». La mission soulignait également : « L’écart moyen est évalué à environ 50 %, ce qui nuit à l’attractivité des concours de la fonction publique, mais également à l’ouverture des postes d’encadrement supérieur à des contractuels venant du privé.” »

La mission relevait aussi que, dans certaines filières, “l’État est contraint de mieux rémunérer ses agents contractuels que les cadres titulaires de la fonction publique”. D’où la création de “tensions”.

Revenons ainsi à l’évolution de base de quelques paramètres entre 2012 et 2022.

L’inflation cumulée sur la période est de 13,87%[1].

La revalorisation du point d’indice est 4,75%[2].

Il est ainsi possible d’illustrer ces constats pour les corps de direction de la FPH.

En particulier, on peut comparer les conditions de rémunération d’un directeur entrant dans la carrière en 2022 par rapport à ses collègues entrés il y a 10 ans.

Paramètres retenus :

  • DH de classe normale, issu du concours externe, intégré au 1er échelon, avec une Part F cotée à 2,6 et une première part résultats de 0,6 en 2022.
  • D3S de classe normale, issu du concours externe, intégré au 1er échelon, avec une Part F cotée à 3 (chef d’établissement), et une première part résultats de 0,6 en 2022.
  • DS de classe normale, issu du concours interne, intégré au 4ème échelon, avec une Part F cotée à 2,8, et une première part résultats de 0,6 en 2022.

Les données correspondent au niveau de rémunération mensuelle brute fin 2012 et fin 2022, hors supplément familial et indemnité de résidence, pour des personnels logés.

Notre analyse :

En résumé, les DH et D3S entrant dans la carrière ont perdu 4% de pouvoir d’achat par rapport à leurs collègues de 2012. Seuls les DS ont une évolution légèrement supérieure à l’inflation.

La revalorisation du point d’indice apporte une contribution minoritaire de 3% dans l’évolution des rémunérations : en effet les hausses de 0,6% en 2016 puis 2017 puis celle de 3,5% en 2022 ne portent que sur le traitement indiciaire.

En fait, c’est l’instauration du CTI en 2021, motivée par l’objectif de revaloriser les carrières hospitalières, qui en réalité vient compenser l’inflation à hauteur de 7% pour les directeurs en début de carrière !

Pour les directeurs des soins, les nouvelles grilles issues du SEGUR viennent uniquement compenser l’inflation ! Cela résulte du relèvement des premiers échelons et du barème de PFR. On attendait mieux. C’est d’ailleurs ce que le CHFO avait souligné lors de la parution des textes : la revalorisation de 10% du barème PFR équivalait à l’inflation depuis sa création…

Quelques précisions sont nécessaires :

Il ne faut pas se tromper sur le sens des données brutes. Il va de soi que ni le CTI ni la revalorisation du statut des DS n’avaient pour but de compenser l’inflation.

L’impact de la revalorisation de la valeur du point est minoré du fait de la structure de rémunération : pour les nouveaux collègues, la PFR, qui n’est pas indexée, représente 33% de la rémunération pour les DH, 30% pour les D3S et 24% pour les DS.

C’est bien pourquoi le CHFO est hostile aux barèmes en € et demande la conversion de la PFR en points d’indice, avec en outre l’impact essentiel sur nos retraites. Ce point a d’ailleurs été un sujet majeur de discussion dans la Conférence sur les perspectives salariales en 2021, mentionnée plus haut.

Certaines situations sont encore plus défavorables.

Ainsi, le logement par nécessité absolue de service, qui est concédé en contrepartie de la permanence de direction et des gardes, n’est pas intégré dans les calculs. Pour les directeurs qui, faute de logement, perçoivent l’indemnité compensatrice, la perte de pouvoir d’achat est encore accentuée faute de revalorisation du barème depuis 2010. Le CHFO estime entre 3 et 4% de perte supplémentaire pour les 3 corps.

Autres situations spécifiques : pour les collègues D3S du secteur du handicap ou de la protection de l’enfance, non bénéficiaires du CTI, la perte par rapport à 2012 n’est pas de 4% mais s’élève à plus de 10% !

Notre conclusion est simple :

En parfaite solidarité avec l’ensemble des hospitaliers, le CHFO demande :

  • l’indexation de la valeur du point d’indice sur l’inflation,
  • la conversion de la PFR en points d’indice,
  • l’indexation de l’ICL sur l’indice du coût de la construction,
  • une augmentation des montants de parts F et R de 20%
  • la généralisation du CTI.

Face à la perte d’attractivité pour les corps de direction, l’application de ces mesures, de façon globale et simultanée, est une réponse urgente à apporter.

 

[1] Hypothèse d’inflation de 5,5% en 2022 selon dernière publication de la Banque de France

[2] Y compris la revalorisation de 3,5% au 1er juillet 2022.

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