Les directeurs sont excédés du « en même temps » je dis quelque chose, « en même temps » je fais le contraire ; et pendant ce temps, la situation n’est pas résolue. Ainsi, plus l’accompagnement est annoncé, moins on le voit sur le terrain.
De l’EHPAD au CHU, victime ou mis en cause, la protection fonctionnelle est accordée avec parcimonie ou retard. Quels que soient les motifs, les épisodes de longues auditions éprouvantes ne sont plus rares, et leur impact moral et physique n’est pas nul, quand il faut rester mobilisé et pleinement engagé à son poste.
A cet égard, le traitement récemment fait à un directeur général de CHU est emblématique. De décembre à mai, il ne fait l’objet d’aucune poursuite pénale, donc il n’a pas le droit à la protection fonctionnelle.
Pourtant, lorsqu’en février des perquisitions sont effectuées avec un déploiement de forces qui surprend même les intervenants, les médias sont aussitôt informés et le parquet d’emblée répond volontiers aux questions. Fin mai, c’est dans le ¼ d’heure que ces médias sont informés de l’audition en garde à vue. A chaque fois, la presse évoque à répétition des faits de « corruption et favoritisme », des faits présumés qui finissent par être considérés comme avérés.
Dans ce cas, quelle doit être la bonne réaction individuelle et collective ? D’un côté, compter sur ses nerfs et sa conscience tranquille et se plier au devoir de réserve en attendant que tout cela se dégonfle ? Mais ce serait considérer la fonction de direction “hors sol”. Comment assurer son poste et les multiples urgences du quotidien ?
D’un autre côté, accorder un soutien discret au collègue pour ne pas irriter le parquet ni encourir le reproche de corporatisme ? Le collègue fera son choix, mais pour le CHFO, il s’agit aujourd’hui de dénoncer des méthodes d’investigation et de communication d’abord fondées sur la défiance. Cela se compare à une stratégie de la terre brûlée en d’autres lieux : enquête préliminaire médiatisée et à rallonge, toujours pas d’accès au dossier, teasing médiatico-judiciaire avec publication en boucle de la même dépêche, ce qui fait que la protection fonctionnelle est accordée quand les dégâts sont faits, tant pour les personnes que les établissements concernés.
Et sur le plan collectif quel est l’impact ? On demande aux directeurs un engagement à 200% pour moderniser à marche forcée les établissements, pour faire face à une crise sanitaire, pour assurer la continuité de service malgré les pénuries, et quelle est la promesse en retour : le durcissement de la responsabilité pour faute de gestion, la judiciarisation du risque à outrance, une loi sur l’intérim médical suspendue ? Les “donneurs de leçon” et autres “inspecteurs des travaux finis” auront facilement raison a posteriori, mais la menace ainsi constituée ressemble fort à de l’intimidation managériale, et fait peser un vrai risque de paralysie du système sanitaire.
Certes, les directeurs exercent des métiers à forte complexité et à risque médicolégal. Ils ne demandent pas à effacer la responsabilité qui en fait la valeur, et qui relativise grandement les débats de cour sur la douce gouvernance.
A rechercher systématiquement la faute dans chaque acte, on perd de vue le sens de l’intérêt général et la recherche des solutions qui y répondent.
A chaque occasion ou manifestation, les collègues réaffirment leur engagement dans leurs métiers. Avec le CHFO, les directeurs sont fiers et engagés pour un service public plus fort.
Avec le CHFO, les directeurs demandent le soutien des autorités à la mesure de leurs responsabilités, et la retenue des procureurs médiatiques ou judiciaires à la mesure de ces mêmes responsabilités, qu’ils doivent continuer à exercer.