Si cette tribune se veut être une note explicative d’une nécessaire refondation du système hospitalier, nous ne pouvons qu’être surpris de la représentation dans laquelle sont enfermés les paramédicaux et les explications avancées pour expliquer le malaise des professionnels à l’hôpital.
En ce qui nous concerne, nous aurons l’humilité de rester dans notre domaine de compétence.
Le statut de fonctionnaire ne serait pas un système adapté à un établissement qui produit des soins ? Est-il plus facile de le jeter aux orties que de le faire évoluer ?
Les Directeurs des soins n’ont pas pu accéder à l’échelle HEB au prétexte que cette fonction est une singularité de la FPH. Les technocrates de la Fonction Publique d’état ne reconnaissent pas cette fonction car elle ne rentre pas dans les « cases ».
Le problème des rigidités hospitalières dont parle M HIRSCH ne vient donc pas de l’intérieur de l’hôpital mais bien de l’extérieur ! Pourquoi faudrait-il toujours incriminer l’hôpital au lieu de chercher les causes profondes.
Levons les contraintes qui pèsent sur l’hôpital public avant de tirer à boulet rouge sur ce dernier.
Les soignants avec un grand S (médecins, paramédicaux) et les administratifs ont vu se multiplier les tâches qui ne sont plus le cœur de leur métier. Il faut coter, tracer, archiver prouver. Les paramédicaux sont plus souvent derrière leur ordinateur que dans la chambre des patients.
Les paramédicaux ne cherchent pas à tout crin une évolution de carrière ou des mobilités. Les paramédicaux veulent d’abord et avant tout pouvoir donner du SENS à leur métier.
Les métiers du soin ne peuvent pas se faire sans engagement. Ils nécessitent des valeurs humanistes qui ne peuvent pas être minimalistes. Cet engagement suppose une capacité d’altruisme, de résilience.
Les jeunes professionnels veulent pouvoir travailler dans de bonnes conditions, pouvoir donner le temps nécessaire aux usagers car ces derniers relèvent d’une réalité plurielle et d’une histoire personnelle qui nécessite que le soin soit tous les jours réinventé et adapté.
Pour cela les paramédicaux ont besoin de temps et d’autonomie dans une organisation tournée vers le patient et non une organisation qui répond aux exigences d’une technostructure froide qui pense pour eux. Il en est d’ailleurs de même pour les médecins. La pression gestionnaire a dégradé largement leurs conditions d’exercice. Il est regrettable que la porte d’entrée de la refondation de l’hôpital, si elle doit se faire, ne parte pas d’une question simple :
Quelle est la finalité de l’hôpital ? Quelle est la finalité des métiers du soin ?
Quels sont les besoins des usagers ?
Poser la question à partir du dysfonctionnement de la structure n’est pas la bonne porte d’entrée. Le système s’il doit évoluer, doit l’être à partir de cette question.
Il faut rechercher avant tout l’efficacité du soin, vraie condition de l’efficacité budgétaire, et faire évoluer le système dans cette philosophie pour répondre aux grands défis qui nous attendent : le vieillissement, la montée des maladies chroniques, le développement de la santé primaire.
Passer le soin à la moulinette budgétaire amène le soin à être standardisé et à répondre que partiellement aux besoins de usagers. C’est pour cela que les soignants sont démotivés. Nous pourrons répondre à ces défis si nous faisons du soin, un enjeu sociétal, en mettant les moyens dans l’hôpital public afin de permettre à tous un réel accès aux soins !
La crise COVID a mis les soignants devant les limités d’un système hospitalier à bout de souffle. Le manque de personnel déjà existant, les fermetures de lits, le manque de moyens matériels déjà décriés ont été un boomerang violent qui a bousculé les soignants dans leurs valeurs professionnelles.
Les conflits éthiques ont été nombreux et insoutenables. Les collectifs de travail ont été déconstruits, c’est cela qui conduit aujourd’hui les soignants à démissionner et à faire autre chose.
C’est pour eux avec eux et avec les usagers qu’il faut faire évoluer le système. Arrêtez de penser et de décider pour nous depuis votre tour d’ivoire.
Vous ne nous voyez pas ! Vous ne nous connaissez pas !
Vous ne vous êtes jamais penché sur la complexité des métiers des paramédicaux et des impacts psychologiques qu’ils doivent gérer.
C’est bien d’une structure paramédicale intégrée à une direction des soins avec un Directeur des soins à sa tête qui est nécessaire, car les directeurs des soins issus du terrain, connaissent cette complexité, les besoins des paramédicaux, de l’encadrement, des usagers, le soin et le sens qu’on y donne.
C’est la vision gestionnaire et structurelle qui conduit à des aberrations humaines et rend malade les soignants et l’hôpital. Le BURN OUT, la souffrance au travail, les suicides sont liés à cette non-reconnaissance de la spécificité du travail et au fait qu’il faut toujours faire plus avec des moyens et un espace-temps contraints.
Les Directions, dont les directions des soins, le corps médical ont alerté depuis de nombreuses années sur le problème des effectifs et des quotas. Nos tutelles (l’ARS et la région pour les instituts) ont longtemps fait la sourde oreille pour des raisons financières, elles nous demandent maintenant de faire une pêche miraculeuse et de trouver des soignants !
Ce sont toutes ces technostructures qui ont amené l’hôpital dans les difficultés dans lesquelles il est, pas les personnes (Directeurs – soignants – médecins) qui y travaillent, ne nous trompons pas de combat !
Laisser les personnes qui connaissent notre métier de soignant, construire, innover, organiser avec nous. Ces personnes sont pour les paramédicaux : les directeurs de soins.
Comment pourrait-on nier la filière paramédicale qui constitue l’essentiel des ressources humaines à l’hôpital !
Dès le 16ème siècle on voit œuvrer à l’hôpital, les médecins, les administratifs et les infirmiers. L’évolution de la prise en charge évoluera vers l’intégration des autres métiers paramédicaux.
Ainsi donc ce triumvirat (soignants- médecins – administratifs) a du sens au-delà des siècles.
Les Directeurs de soins se sont adaptés comme les autres avec beaucoup de professionnalisme, de compétence et d’engagement en fonction des besoins de l’hôpital.
Ce sont eux qui ont structuré tout d’abord les soins infirmiers et les programmes d’enseignement permettant aux infirmiers d’avoir un haut niveau de compétence, puis les soins paramédicaux.
Ce n’est pas une modification de la structure managériale qui résoudra le problème des rigidités hospitalière et surtout la crise profonde que connaissent les soignants. Le problème est ailleurs, nous venons de démontrer. La solution sera toujours dans la coopération et non dans la concurrence de tous contre tous.
Renvoyer dos à dos les DRH et les DS est un non-sens. Ce ne sont pas les mêmes métiers, ils sont complémentaires et indispensables comme beaucoup de métiers à l’hôpital. Qui peut réellement penser à l’hôpital que ces 2 métiers font doublons et ce au détriment des DS ? Soyons sérieux ! Leur périmètre et leur champ d’expertise ne sont pas les mêmes. Relisez M HIRSCH, le décret du 19 avril 2002 portant statut particulier du corps des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière !
Les Directeurs des soins peuvent après cette crise, et si on leur donne les moyens, avec l’encadrement paramédical remobiliser les soignants dans leur cœur de métier.
Ils ont les outils pour, la CSIRMT et le projet médico-soignant qu’ils construisent en bonne intelligence avec les médecins et leurs collègues directeurs, la connaissance des métiers et de leur évolution nécessaire et les méthodes pour conduire les réformes des référentiels de formation.
Nous n’avons plus rien à prouver et c’est pour cela que cette tribune est faite comme cela.
Nous avons une parfaite connaissance du réacteur hospitalier et des nécessaires évolutions.
C’est agaçant que nos soi-disant stratèges pensent l’hôpital à notre place et nous obligent à descendre régulièrement dans le bac à sable pour défendre notre rôle dans la gouvernance hospitalière, la CSIRMT, la structuration de la Direction des soins.
Nous resterons des directeurs des soins avec une direction des soins fédératrice de tous les paramédicaux, il va falloir composer avec nous, car notre valeur et notre travail sont indispensables au fonctionnement et à l’évolution de l’hôpital. D’ailleurs nous sommes reconnues ainsi par nos collègues directeurs à qui nous apportons la compréhension des organisations de soins.
Le haut niveau de compétence des directeurs des soins, de l’encadrement et des paramédicaux est une chance pour l’hôpital du futur !