Handicap : A quand le “zéro sans solution” pour nos établissements ?

Tour d'actualités du secteur : une prodigalité de rapports et d'évolutions législatives, dans un climat de lassitude et d'attentes prégnantes.

Même constat, même remède : pas de moyens immédiats mais des instances supplémentaires

Lors de la Conférence des métiers, le Premier Ministre avait annoncé l’instauration d’un comité des métiers socio-éducatifs pour fin avril afin de « consolider la filière » et mettre en œuvre « un agenda ambitieux pour ces métiers ». Une instance de réflexion supplémentaire alors que la question de l’attractivité des métiers et l’insuffisance des moyens pour mener à bien les missions sont identifiées de longues dates. Et malgré la publication au JO de 6 décrets les 28 et 29 avril, l’extension du CTI n’a toujours pas été généralisée à tous les professionnels du secteur social et médico-social, provoquant la mobilisation des directeurs, soutenue par le CHFO (lire le courrier).

Lors de la remise de son rapport sur les métiers de l’accompagnement social et médico-social le 17 février 2022, Denis PIVETEAU précisait que celui-ci n’avait « pas pour objet d’apporter des réponses immédiates ». Les diverses auditions de professionnels n’ont pas remis en cause le virage conceptuel. Mais un profond désarroi se fait ressentir face à « l’inertie des structures, aux mentalités figées, aux moyens insuffisants et aux organisations inadaptées ». Le rapport privilégie la définition d’objectifs à moyenne échéance (transformation inclusive du cadre de vie, renforcement des compétences professionnelles, modification des organisations de travail,…). Des préconisations utiles mais qui ne résolvent pas, à court terme, la problématique du manque de moyens humains pour transformer l’offre.

Le décloisonnement du secteur reconnu nécessaire au moment même où l’on cloisonne les D3S

Le rapport de l’IGAS « Mieux répondre aux attentes des personnes en situation de handicap » relevait qu’un « des freins puissants à la transformation des établissements reste le caractère reclus de nombres d’établissements ». L’évolution des modalités d’accueil ou la constitution d’équipes mobiles se heurte à différentes barrières, notamment la question des temps de déplacements. Plusieurs pistes ont été avancées parmi lesquelles la fin de la segmentation liée à l’âge ou au type de handicap, le développement de l’accueil temporaire, le regroupement des ESMS, la fin des Appels à Projet, le renforcement des droits des usagers et surtout la globalisation de l’approche du Handicap. L’IGAS souligne aussi les rigidités du secteur et conforte la nécessité de décloisonnement. Le CHFO rappelle qu’il est prioritaire et urgent d’engager des moyens supplémentaires pour la formation des professionnels sur des thématiques fondamentales en adéquation avec les évolutions attendues (Autodétermination, Pair-Aidance, Habitat inclusif, RBPP,…). Le CHFO rappelle aussi son inquiétude de voir l’accentuation des disparités géographiques influer sur la prise en charge de populations fragiles et déplore la coupure avec la Protection de l’Enfance décidée par la loi 3DS. 

Le secteur requiert les moyens de ses ambitions pour évoluer

La création des communautés 360 avait été annoncée par le Président de la République dès le 11 février 2020. Ces communautés apportent une réponse inconditionnelle et de proximité à toutes les personnes en situation de handicap ainsi qu’à leurs aidants. La crise sanitaire a conduit au déploiement de ces communautés sous le format « 360 Covid ». Une circulaire a été diffusée le 30 novembre 2021 aux directeurs d’ARS pour qu’ils veillent à mailler l’intégralité du territoire avant le 30 juin 2022.

L’habitat inclusif, faisant écho au virage ambulatoire, est un autre grand chantier du secteur. La RBPP, attendue sur ce sujet, qualifie l’habitat inclusif d’« aspiration universelle » et de « composante essentielle à la dignité humaine ». Elle concernera les personnes âgées, personnes en situation de handicap, jeunes majeurs relevant des services de protection de l’enfance, personnes en situation d’exclusion ou de réinsertion. En ces temps de remise en cause du rattachement des D3S à la FPH, il est toujours utile de souligner la pertinence d’un socle de normes issu d’une autorité nationale pour uniformiser les pratiques professionnelles sur tout le territoire. Les projets d’habitat inclusif se sont multipliés, mais sont souvent limités dans le temps, faute de financement pérenne.

Le modèle de financement cristallise interrogations et inquiétudes. Le projet SERAFIN-PH, initié en 2017, laisse augurer une usine à gaz au regard des difficultés à la phase de conception et fait craindre un transfert de temps au détriment de l’accompagnement. Le déploiement de la Réforme est attendu pour 2024, tout en laissant planer le spectre des scénarii de la T2A et du PMSI dans le sanitaire. Si l’irruption de la crise a ralenti les chantiers et expérimentations engagés, elle a aussi renforcé le consensus sur la nécessité de réduire la part de tarification à l’activité. Les pouvoirs publics seront ils soucieux de ce changement de paradigme ? Peut-être dans le monde d’Après… Dans tous les cas, l’enveloppe ONDAM doit être augmentée conséquemment.

Littérature, après les EHPAD, les ESAT mis au ban

Publié le 17 février 2022, le livre « Handicap à vendre » du journaliste Thibault Petit a fait couler moins d’encre que « les Fossoyeurs ». L’ouvrage remet en cause le modèle du secteur protégé, fustigeant un système « exploitant des travailleurs vulnérables ». Il estime que les usagers « travaillent, produisent de la richesse, des biens et des services ; pas pour eux mais pour […] des clients ». La faiblesse de la rémunération des travailleurs est pointée légitimement. Le journaliste assure que les ESAT sont tellement proches du milieu ordinaire « que ce statut d’usager est vécu comme une privation de droits et une humiliation ». Et plus globalement estime que les ESAT se sont éloignés de la mission initiale « de tremplin vers le milieu ordinaire ». Analyse qui n’est pas partagée par la majorité des acteurs qui indique que la mission première est avant tout de proposer un travail à des personnes éloignées de l’emploi. Le secteur protégé n’avait déjà pas été épargné par les Nations Unies qui qualifiait l’approche française de « paternaliste ». En attendant l’allocation de moyens pour accompagner ces évolutions, aucune annonce de contrôle à venir ou de recrutement d’inspecteurs n’a été faite !

Le projet de décret concrétisant les mesures négociées dans le plan de transformation des ESAT a été examiné favorablement le 18 mars par les membres du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). Ce texte doit transposer certaines dispositions de la loi 3DS à l’instar de l’élection d’un délégué par les travailleurs en situation de handicap. Les établissements seront invités à penser l’évolution professionnelle en termes de « carrière » et non plus de « parcours ». Le renforcement du droit des usagers est de bon augure.  Des plates-formes d’insertion professionnelle restent à construire, mais le modèle classique des ESAT fait sa mue. Et si les freins à l’insertion sont à combattre, malgré tout, le secteur protégé ne peut, seul, se refonder. Il est impacté par les délocalisations et donc la mondialisation. Il est tributaire de l’activité économique et notamment de la politique industrielle française. Mais surtout de l’engagement des donneurs d’ordres sur les questions de RSE.

Décision de justice, cadre normatif,…les directeurs seuls pour tenir la digue

Une décision de justice rendue le 03 février par le Tribunal judiciaire de Narbonne condamne un IME à maintenir en unité d’enseignement externalisée un adolescent en situation de handicap, en respect de l’obligation de formation étendue jusqu’à 18 ans par la loi du 26 juillet 2019. Les magistrats ont estimé qu’« il serait antinomique de prétendre à une scolarisation […] et de rompre ce processus du seul fait de l’atteinte d’une limite d’âge alors que la progression d’une personne handicapée ne peut se calquer sur les paramètres d’un schéma d’évolution standard ». Les victoires judiciaires de familles d’élèves en situation de handicap contre l’Éducation nationale étaient légions. Mais cette décision devrait faire jurisprudence et impacter les établissements. Pour la première fois, le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) est reconnu comme un droit opposable au secteur médico-social. Or la réalité des établissements met régulièrement en lumière les difficultés dans l’accompagnement de certains publics. Les établissements malgré des demandes répétées aux autorités de tarification n’obtiennent pas les moyens suffisants pour prodiguer un accompagnement adapté. Le manque d’espaces dédiés ou l’absence de formations spécialisées du personnel sont soulignés. De même que l’épuisement des professionnels qui font usage de leur droit de retrait face à la recrudescence des violences.

En pleine période de préparation de la rentrée scolaire 2022, les MDPH s’inquiètent aussi du manque de concertation avec l’Éducation Nationale. Les MDPH font état d’inégalités territoriales qui ne cessent de croitre en fonction des moyens de chaque académie. La situation ne va pas s’arranger si l’Education Nationale n’est pas associée au concours financier des MDPH. La question du sens et la portée d’une Ecole plus inclusive vacille quand dans le même temps l’Education Nationale n’est pas à la table des négociations. Encore un décloisonnement à rechercher sans aucun doute !

Le cadre normatif n’est pas en reste. Une instruction du 18 février 2022 précise que tous les enfants en situation de handicap relevant de la protection de l’enfance doivent pouvoir bénéficier de l’accompagnement médico-social qui leur est notifié. La création d’équipes mobiles ou encore le développement d’accompagnement ambulatoire sont des solutions identifiées. Mais en l’absence de moyens supplémentaires, cela consiste à redéployer des ressources existantes. La pénurie de personnel qualifié, voire tout simplement de personnel vu l’attractivité du secteur ne semble pas provoqué d’émoi. Pas plus que conforter les disparités géographiques et donc d’atteindre à l’égalité des citoyens dans l’accès aux services publics. En revanche la responsabilité des D3S, comme toujours, croit.

Le CHFO, à l’instar des professionnels du secteur, est convaincu des nécessités d’évolutions du secteur. Le renforcement de l’autodétermination des personnes accompagnées y participera, à l’image du récent décret modifiant les CVS, mais le regard de la société doit lui aussi changer.

De nouvelles orientations nécessitent structuration et coordination. Et au moins temporairement que les effectifs des structures soient renforcés. Outre le fait que des usagers accueillis depuis plusieurs décennies ne se retrouvent pas tous dans ces nouveaux modèles, il faut permettre aux professionnels de se former à de nouveaux métiers. D’autre part, pour faire évoluer l’accompagnement traditionnel des usagers d’un cadre collectif vers des solutions inclusives personnalisées et adaptées, il faut investiguer les passerelles intermédiaires, à l’image de l’habitat partagé, et ne pas réduire le champ des possibles à une vision manichéenne.

Une société inclusive, humaniste et bienveillante ne se décrète pas, elle se construit progressivement. Et malgré l’ingéniosité du secteur, aucune Réforme ne fonctionnera sans compenser la faiblesse actuelle des moyens humains et financiers alloués au secteur.

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