Les directeurs de soins ont 20 ans : Que de chemin parcouru !

Le 23 avril 2002, le Journal officiel publiait le statut particulier des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière.

1975 / 1978 / 1989 / 1991

Au début, il existait une fonction née dans un contexte de pénurie d’infirmiers sans précédent et d’un désamour pour cette profession.  

Pour revaloriser la fonction d’infirmière et donner des perspectives à ce corps professionnel, Simone VEIL, ministre de la santé, crée en 1975 le grade d’infirmier(e)  général (e) et le service infirmier.

L’infirmier(e) général(e) est responsable des soins infirmiers et de la qualité des soins à l’échelon d’un hôpital et suivra une formation d’adaptation à l’emploi à Ecole Nationale de la santé publique à Rennes.

La reconnaissance du rôle propre de l’Infirmier(e) en 1978 donne toute sa légitimité au service de soins infirmiers et assoit l’exercice du soin infirmier à hôpital.  Dès sa création la fonction d’infirmier(e) général(e) à de multiples facettes et cette fonction se transformera au cours des décennies au gré de l’évolution.

  • de la gouvernance hospitalière,
  • des métiers paramédicaux,
  • de l’appareil de formation.

Les grèves de 1989 en lien avec un mécontentement sur la condition des infirmier(e)s permettront une nouvelle reconnaissance de ce corps. L’infirmier(e) général(e) accède à la catégorie A et intègre l’équipe de direction, puis la loi de 1991  étoffe la gouvernance hospitalière avec la création du service de soins infirmiers et la Commission des Soins Infirmiers  dont l’infirmier(e) générale est la présidente.

2002 / DIRECTEUR DES SOINS

La complexité croissante des prises en charge nécessite de déployer au lit du patient un personnel paramédical pluriel (Infirmières, personnel de rééducation, médico – technique). Il faut fédérer et coordonner l’ensemble des paramédicaux autres que les infirmier(e)s. L’infirmier(e) général(e) devient le 19 avril 2002 directeur des soins et président de la CSIRMT.

Cette date marque un tournant dans la profession, et permettra aux Directeurs des soins de  bâtir une véritable place stratégique et politique dans la gouvernance hospitalière.

La mise en place des pôles d’activité avec la loi HPST va entrainer une redistribution importante des rôles entre les cadres supérieurs de santé et les Directeurs de soins, repositionnant ce dernier dans une fonction plus stratégique. Il est coordonnateur général des soins, et il siège au directoire.

C’est hors des murs que se poursuit l’évolution du métier. Le directeur des soins travaille en  direction commune sur plusieurs sites et parallèlement  dans une configuration de groupement hospitalier.

Le champ d’action du directeur des soins est maintenant le territoire et cette nouvelle dimension lui demande de se repositionner à nouveau. Il doit faire avec des cultures différentes, dans le cadre de l’élaboration du projet médico-soignant ou du projet d’instituts de territoire. Dans ce périmètre, le travail en commun suppose des consensus qui ne vont pas toujours de soi et le directeur des soins doit investir aujourd’hui une nouvelle mission :

Mission de coopération stratégique et de co-pilotage avec les partenaires du territoire

Au fils de ces décennies, en tant qu’infirmier général, puis en tant que directeur des soins, ce métier s’est construit, s’est complexifié. Le Directeur des soins a réagi en relevant tous les défis, celui de  l’évolution de son métier, celui de la crise sanitaire.

S’il a eu cette capacité c’est grâce à la singularité de son parcours mêlant à la foi l’expertise managériale et l’expertise métier. Un leader qui favorise l’engagement des équipes, un négociateur de moyens pour sa direction, un diffuseur d’information, parce que sa fonction stratégique nécessite qu’il ait de bons relais.

 C’est parce qu’il a également l’expertise métier, la connaissance des organisations des soins qu’il peut facilement faire l’articulation entre les logiques managériales et les logiques professionnelles. Cette double expertise lui permet d’avoir une vision prospective pour : piloter les projets et donner du sens à l’action collective, impulser les innovations organisationnelles dans le cadre de l’émergence des nouveaux métiers, de la création de nouvelle filière de formation, de l’introduction des technologies de communication et de l’Intelligence Artificielle

LES DEFIS DE L’AVENIR

A l’avenir, le directeur des soins devra relever d’autres défis : développer encore plus des compétences transversales en termes d’analyse stratégique, systémique, de gestion de l’innovation, E management et des compétences psychosociales, surtout l’empathie, la résilience et la capacité à travailler dans un environnement d’injonctions paradoxales.

Les évolutions de notre métier continueront à être liées à l’évolution du système de santé, des métiers paramédicaux et de la formation.

Nous l’avons vu avec la Loi Rist qui a failli nous enlever la présidence de la CSIRMT au prétexte de plus de démocratie.

Les enjeux à venir sont nombreux et certains peuvent impacter significativement notre métier.

1 / L’universitarisation des formations initiales et la création des départements en sciences de la santé sont indéniablement une chance. Mais attention où nous positionnons le curseur, parce qu’il y a un risque  de satelliser les formations, et les instituts vers l’université et par là même les Directeurs d’instituts et les formateurs.  Les cadres et directeurs d’instituts pourraient revendiquer de n’avoir besoin que de titres académiques, c’est déjà une possibilité mais c’est un risque car :

  • La logique de formation qui est aujourd’hui « entre gens des métiers » se distendrait irrémédiablement,
  • La mobilité des cadres et des directeurs d’instituts serait déséquilibrée avec une construction en silo.

Il est important de garder une homogénéité des corps professionnels au sein de la fonction publique hospitalière. Encourager les titres académiques mais les inscrire dans la filière professionnelle qui permet l’expertise et aussi l’ascenseur social. L’hôpital doit rester un ascenseur social pour tous !

2 / L’Hémorragie démographique des Directeurs des soins : ¼ des DS ont disparus en 10 ans et depuis  2012 le solde reste négatif. L’âge d’entrée dans le corps est tardif 48 /49 ans, de ce fait la carrière est courte et oblige à un renouvellement rapide.  Les raisons sont multifactorielles : 

–   le recours par les établissements à des Faisant Fonction  et le gel de certains postes.

–   le maintien des paramédicaux dans des postes de faisant fonction de cadres ou cadres supérieurs.

A chaque étape l’institution hospitalière met en place un système de sélection interne qui freine mécaniquement le candidat et diminue sa possibilité d’accéder rapidement à la fonction de cadre et de directeur des soins.

Notre système gaspille des potentiels. La possibilité donnée par le nouveau décret d’accéder à la fonction de directeur des soins plus vite (accessibilité directe du corps des paramédicaux) sera une ouverture. En tant que syndicat nous serons vigilant à ce que cette ouverte se fasse dans le maintien de la compétence nécessaire à l’exercice de directeur des soins.

  • la perte d’attractivité du métier car le directeur des soins est dans une 3ème carrière et beaucoup ne voyait pas l’intérêt jusqu’à présent de passer un concours difficile, de s’exiler un an pour avoir un salaire indiciaire peu diffèrent des CSS. La reconnaissance statutaire en tant que corps de direction avec concours national et une gestion nationale (CNG) n’a pas stoppé le  déclin démographique. Cet élément était à l’origine de nos revendications de revalorisation.

 Pour nous, le  directeur des soins est un directeur à part entière. Pour certains cela peut paraitre creux, pour d’autres c’est une évidence. Alors qu’est-ce qui pèche ?

Il y a un blocage idéologique de la Haute Fonction Publique qui ne reconnait pas la trajectoire professionnelle des directeurs des soins, car elle est atypique et qu’elle n’a pas d’équivalence dans la Fonction Publique d’Etat.

Or cette singularité démontre une capacité d’adaptabilité, d’agilité et une montée en compétence sans précèdent aux cours des quatre décennies d’évolution du métier qui légitime son inscription dans le corps des directeurs adjoints. Ce n’est pas un corps uniquement destiné à parachever la carrière de cadres de santé eux-mêmes sortis du rang.

LE SEGUR, UN PIED DANS LA PORTE

Si le décret et les arrêtés sont incontestablement des avancés et si à chaque négociation le CHFO a essayé d’obtenir toujours plus d’arbitrages favorables, le compte n’y est pas au regard des ambitions pour ce corps professionnels et au regard des attentes de la profession. La valorisation statutaire et l’engagement professionnel ont été insuffisamment reconnus c’est pour cela que nous avons voté contre ces textes !

Ces discussions auront eu le mérite d’inscrire pour les directeurs des soins un certain nombre de points à mettre en œuvre qui nous ramènera à la table des négociations comme :

-les modalités de reclassements, l’accessibilité à la classe exceptionnelle, l’évolution de la formation.

Nous avons mis un pied dans la porte, nous ne la refermerons pas, les directeurs des soins peuvent compter sur notre engagement et notre pugnacité !

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