Secteur social et médico-social : du pain sur la planche

A quelques semaines de la fin de la mandature actuelle, l’actualité reste riche pour les directeurs. Indépendamment des mesures qui suivront immanquablement le scandale ORPEA, eu égard à la multiplication des missions, auditions ou rapports, le travail et les responsabilités ne manqueront pas de croitre avec les échéances qui s’annoncent !

Unicité statutaire

En parallèle la question statutaire tient en haleine nos collègues, des doutes subsistent sur l’issue favorable de l’arbitrage. Il est utile de rappeler que la DGOS avait indiqué début janvier, lors de la réunion sur la question de l’unicité statutaire DH/D3S, une réponse rapide des pouvoirs publics. Plus de deux mois se sont écoulés, force est de constater qu’aucune réponse n’a été apportée. En cette période dramatique de conflit armé, il peut paraitre dérisoire voire déplacé de s’attarder sur cette attente légitime pour les directeurs. Notons que le concept de célérité dépend vraisemblablement du niveau d’éloignement du terrain et des prises en charge réelles du quotidien… Heureusement les directeurs portent plus de considération aux professionnels et usagers de leurs établissements, que celui auquel ils ont droit !

Code en stock

Dans l’actualité juridique et dans la continuité de la logique de simplification administrative, il convient de rappeler l’entrée en vigueur en ce mois de mars du Code Général de la Fonction Publique. La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a présenté un projet de loi ratifiant l’ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021. Les quatre lois dites « statutaires » de 1983 et 1984, les fameux « Titre » qui concernent près de 5.6 millions d’agents publics, sont regroupées au sein du Code général de la Fonction Publique. Cette logique réaffirme la transversalité du statut général, tout en consacrant les évolutions récentes issues de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui consacre en particulier la place occupée par les contractuels au sein de la fonction publique. Ce que le CHFO dénonce depuis le départ.

Directeurs, toujours plus de responsabilités à endosser

Actualité juridique toujours, un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics va entrer en vigueur, ou comment durcir le régime de responsabilité des directeurs (lire le communiqué du CHFO du 10/02/22). A l’heure où l’attractivité du métier et plus largement du secteur recule, constat partagé par les OS et les pouvoirs publics, l’article 168 de la loi de finances 2022 impose à compter du 01er janvier 2023 un nouveau régime de responsabilité pour les directeurs et participe à la dégradation des conditions d’exercice. L’objectif affiché de favoriser la responsabilisation des gestionnaires publics et donc l’utilisation des deniers publics est louable. Mais c’est une remise en cause principielle de la séparation entre l’ordonnateur et le comptable. Et comment ne pas faire de parallèle sur la différence des règles applicables pour chaque acteur amené à manipuler des deniers publics, à l’instar des associations à but lucratif par exemple.

Le projet d’ordonnance crée donc un régime de responsabilité des gestionnaires, commun aux ordonnateurs et aux comptables “dans lequel seront poursuivies uniquement les fautes graves ayant causé un préjudice financier significatif ainsi que certaines fautes spécifiques (gestion de fait, défaut de visa du contrôleur budgétaire, notamment)“. Ce nouveau régime de responsabilité s’appliquera à tous les agents des services publics ou contractuels de droit public. A noter qu’il ne concerne ni les ministres ni les élus locaux, à la différence des membres de leurs cabinets et des directeurs d’administration.

Ce texte nourrit les tensions. La responsabilité des ordonnateurs sera engagée pour une décision qui enfreindra le cadre juridique posé. Mais comment définir la primauté notamment au regard de la continuité des soins ? L’illustration parfaite est le recours aux professionnels de santé libéraux. Or les pouvoirs publics “ne prévoient aucun élément de garantie, de protection ou de recours potentiel au niveau des tutelles“. Ce nouveau cadre juridique va contribuer à paralyser le fonctionnement des établissements publics sociaux et médico-sociaux et fera peser toujours plus de responsabilités sur les directeurs. Le désengagement de l’Etat se ferait-il sur le dos des directeurs ?

Un secteur médico-social laïc, et indivisible ?

Actualité toujours, la désignation d’un référent laïcité par le chef d’établissement se profile. Ce référent peut être mutualisé au niveau de plusieurs établissements. Les coordonnées des référents devront être transmises aux ARS avant le 25 avril 2022, le lendemain du second tour de l’élection présidentielle. Le Gouvernement actuel souhaite former à la laïcité tous les nouveaux personnels des établissements publics médico-sociaux d’ici l’Eté 2022, et l’ensemble des effectifs à l’horizon 2024. Tenu au secret et à la discrétion professionnels, le référent laïcité établira un rapport annuel d’activité, remis à son autorité. Rapport dans lequel il dressera un état des lieux de l’application du principe de laïcité et des manquements potentiels constatés dans les services. Le rapport annuel sera transmis au directeur général de l’ARS, au préfet de département ou à la collectivité territoriale dont dépend l’établissement concerné. Encore de l’énergie et du temps en perspective pour les directeurs. Le CHFO soutient le principe de laïcité, valeur forte de notre République. Mais le CHFO rappelle aussi son attachement à ce que les secteurs de la dépendance et du handicap relèvent bien de la fonction publique hospitalière. 

Le développement croissant de l’informatique nécessite des formations adéquates

Autre annonce politique, la généralisation du Dossier de l’Usager Informatisé (DUI) pour tous. Les pouvoirs publics ont annoncé le déploiement rapide d’un programme de soutien aux ESMS pour l’acquisition ou la mise en conformité d’un logiciel de DUI en 2022, dans le cadre du programme numérique des ESMS. L’Agence du numérique en santé signale que l’État souhaite consacrer, dès cette année, 100 M€, sur les 600 M€ prévus dans le cadre du Ségur de la santé entre 2022 et 2025. Selon les cas, les financements devraient aller de 5 à 15k€ pour les établissements. La mutualisation sera recherchée en priorité. Les projets couvrant cinquante structures ou plus pourront candidater à l’appel à projets national porté par la direction du numérique en santé et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Pour les autres structures, l’échelon sera local, lors des appels à projets régionaux, relayés par les ARS. La modernisation du dispositif est une nécessité si l’objectif est bien de fluidifier les parcours en conservant l’intégralité des données des suivis et accompagnements, mais espérons que cela n’engendrera pas les mêmes errements successifs que le dossier médical partagé (DMP). La solution informatique a un coût mais la formation nécessaire à son utilisation aussi. Pour se doter d’ambitions, encore faut-il se donner les moyens humains et financiers d’y parvenir.

Un droit pour le répit

Dans l’attente d’un répit pour les directeurs, les pouvoirs publics souhaitent consacrer rapidement le Droit au répit. Le manque de réponses spécifiques est souligné autant que le cadre juridique et financier en vigueur, perçu “comme pouvant limiter voire bloquer” le développement de projets innovants. La ministre déléguée à l’Autonomie et la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, dans une lettre de mission adressée le 24 février dernier à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) demandent l’analyse des solutions actuellement proposées aux aidants et souhaitent voir se développer une offre complémentaire. Le Gouvernement souhaite aussi identifier les avantages et limites du développement d’une offre commune aux aidants de personnes âgées, en situation de handicap et atteintes de maladie chronique, et également commune aux adultes et aux enfants. Les conclusions sont attendues au plus tard pour le 1er juillet 2022.

Financement des Hôpitaux de proximité, les piliers sont posés 

Dans l’actualité juridique et financière, un décret publié le 11 février 2022 précise les modalités du financement des hôpitaux de proximité autour de deux piliers : la dotation forfaitaire garantie et la dotation de responsabilité territoriale. Ces dotations seront calculées pour 3 ans avec une modulation possible en fonction de 4 indicateurs. Chaque année, les ministères chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêteront, avant le 15 avril, le montant des dotations pour chaque région sur la base des listes régionales en vigueur au 1er avril. A ce stade, il est prématuré de vouloir identifier des dysfonctionnements, même si la période de 3 ans peut faire craindre à un décalage dans le temps entre le financement et les besoins réels, malgré le mécanisme de versement d’une dotation dite prudentielle.

Un nouveau référentiel consacre la démarche d’amélioration continue

En visioconférence de presse ce 10 mars, la présidente de la HAS a annoncé que les établissements ou structures accueillant des personnes handicapées, âgées ou des enfants en danger seront désormais “régulièrement évalués, en fonction d’une grille de critères harmonisée au niveau national“. L’objectif est notamment d’améliorer la qualité de l’accueil et prévenir les situations de maltraitance. La publication d’une référentiel de mesure de la qualité consacre ainsi la nouvelle procédure d’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette dernière ne comporte plus de rapports d’évaluations interne et externe. Sa fréquence est ramenée à 5 ans, contre 7 auparavant. Le référentiel se subdivise en neuf thématiques, quatre valeurs et trois grands chapitres. Ou pour résumer plus simplement, il comprend 157 critères à évaluer, dont 18 qualifiés de “critères impératifs“.

La HAS appelle les établissements et services à s’autoévaluer sans attendre le cahier des charges des organismes d’évaluation indépendants. La HAS confirme que le rapport d’évaluation sera toujours communiqué aux autorités de tarification ou de contrôle, et dorénavant, également à la HAS et au Conseil de la Vie Sociale (CVS). Cette transparence fait écho à la tourmente générée par le scandale ORPEA. La HAS annonce une conférence en ligne fin avril-début mai pour expliciter la démarche et accompagner les professionnels vers ces nouvelles modalités. Des limites sont pressenties sur le caractère trop généraliste d’un référentiel unique, une certaine souplesse sera nécessaire pour ne pas vider de sa portée une telle démarche. Certaines associations du secteur soulignent également un manque de lien avec les RBPP, pourtant produites par cette même HAS.

Le CHFO appelle à la vigilance pour que le social et le médico-social publics ne sortent pas du giron de la Fonction Publique Hospitalière.

Le CHFO défend l’unicité statutaire des directeurs pour préserver un service public de santé fort et au service de nos concitoyens.

Le CHFO exige la généralisation effective du SEGUR pour tous.

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