Les propositions de l’Assurance Maladie pour 2022 font état d’une situation complexe en matière d’équilibrage de comptes[1]. Ce constat sans appel ne sera pas sans conséquences en matière de trajectoire financière de notre système de santé et notamment des établissements de santé. Le PLFSS 2022 qui vient d’être adopté[2] s’est appuyé sur ces travaux en vue de projeter un retour progressif à la « normale » d’avant 2020, pour les années…2030 – 2040.
Retour sur 2020 et 2021
En 2021, le déficit du régime général s’est modérément amélioré (+4,6 Md€) pour s’établir à 34 Md€. Pour les EPS, les comptes se sont légèrement redressés en 2018 et 2019, avec un déficit global des EPS, toutes activités confondues, qui s’est établit respectivement en 2018 et 2019, à 740 M€, (1 % des produits) et à 566 M€ (0,7 % des produits)[3]. Ce déficit ne concerne qu’un peu plus de la moitié du panel des établissement, soit 58% des établissements, et avec comme à l’accoutumée, une concentration de ce déficit sur les établissements les plus importants…
Concernant l’exercice budgétaire « spécial » de 2020, la réduction du déficit serait principalement dû au dispositif exceptionnel de la garantie de financement[4], pour lequel de nombreux établissements (notamment les plus importants) auront ainsi pu décorréler leur activité classique « déprogrammée » avec ces ressources garanties « excédentaires », et notamment par des dotations MIGAC MCO, qui auront ainsi fortement augmenté en 2020 (+74%). D’autres mesures ont complété le dispositif de soutien aux établissements, notamment l’avance de trésorerie sur les pertes de recettes complémentaires durant la période de déprogrammation des activités[5].
Cette amélioration du déficit « conjoncturel » annuel a également été facilité par une réduction de l’offre hospitalière et notamment une diminution du nombre d’établissements. En 2020, la réduction du nombre de sites a été de 25 (-0,8 %), ce qui est à mettre en perspective avec les diminutions constatées sur les dix précédentes années[6].Sur les vingt dernières années, plus de 40 000 lits en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) auraient été supprimés sur l’ensemble des établissements, toutes disciplines et tous secteurs confondus. Ce constat s’est également poursuivi en 2020[7].
Ces « mesures » visant à réduire assez drastiquement l’offre, hors soins critiques, ont eu également pour conséquence de s’inscrire dans une logique d’amélioration de résultats budgétaires et financiers.
En outre, l’effort d’investissement des EPS, qui avait été soutenu par les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 », n’a cessé de décroître depuis 2009 (- 7 milliards), pour se stabiliser avant le Ségur investissement à un peu moins de 4 Md€[8].
Et après 2022 ?
Alors quid des prévisions des années suivantes, dépendantes elles-aussi de l’évolution de la situation sanitaire et de la vigueur de la reprise économique ? A ce stade, les prévisions présentées dans le PLFSS font état d’un déficit, en baisse mais persistant, de 13 Md€ dès 2023.
Si pour l’année 2022, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne contient aucune mesure d’économies pour l’hôpital, avec une prévision de contraction de l’ONDAM de 0.34% en 2022 et ce, après une hausse de 9.53% en 2020 et 8.02% en 2021, force est de constater que ce scénario risque de ne pas se reproduire pour les années suivantes.
Selon, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS)[9], avec un scénario de croissance faible de 2,8% par an, une progression des dépenses d’assurance maladie de 2,3% (soit la progression annuelle moyenne de l’Ondam entre 2010 et 2019) un retour à l’équilibre de la branche maladie ne pourrait s’envisager qu’à compter de 2040. Pour un retour à l’équilibre en 2031, l’Ondam devrait évoluer à 1,7% par an.
Ce qui se traduirait également par ailleurs pour nos structures de santé, par un retour à des plans d’économie rigoureux pour faire face au tendanciel des charges estimées à près de 5 % par an, donc à plus de 2 Mds d’économies à réaliser par an…
Une situation bien entendu inenvisageable pour le CHFO et l’ensemble des hospitaliers !
[1] Rapport « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses » au Ministre chargé de la Sécurité Sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et produits de l’Assurance Maladie au titre de 2021 (Loi du 13 Août 2004) – Juillet 2021
[2] Projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté, par l’Assemblée nationale, pour 2022, n° 118 , déposé(e) le 2 novembre 2021 et renvoyé(e) à la Commission des affaires sociales, et https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/PLFSS/2022/PLFSS-2022-Annexe%207.pdf
[3] Cf. Annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 concernant l’évolution de la situation financière des établissements publics de santé (EPS) de 2015 à 2019 et étude annuelle sur les établissements de santé réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
[4] Cf. Karim AMRI « Le maintien de la garantie de financement » – Finances Hospitalières – Octobre 2021
[5] Cf. Karim AMRI « Le Ségur investissement, une affaire à suivre » – Finances Hospitalières – Octobre 2021
[6] 2 983 établissements sont recensés en 2020, dont 1 342 hôpitaux publics, 667 établissements privés à but non lucratif et 974 cliniques privées. De 2013 à 2020, -78 établissements publics ; – 48 cliniques privées ; -18 ESPIC.
[7] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/les-etablissements-de-sante-edition-2021
[8] 3,7 Milliards d’euros. Cf. Karim AMRI« Le Comité Interministériel de Performance et de la Modernisation de l’Offre de Soins (COPERMO), bras armé des restructurations hospitalières » – Finances Hospitalières – Février 2019
[9] Cf. Rapport « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses ». Op. Cit