Protection de l’Enfance : loi 3DS, loi TAQUET,… le décryptage complet

Retrouvez le dossier complet avec les actions et argumentaires portés par le CHFO pour maintenir les directeurs d'établissements de la protection de l'enfance au sein de la Fonction Publique Hospitalière et renforcer les moyens des professionnels du secteur d'appréhender les besoins des enfants de manière juste tout au long de leur parcours de vie.

Le gouvernement est à la peine dans ses relations avec les collectivités territoriales, alors il veut se donner un air décentralisateur et concocte fin 2020 un “paquet” de cadeaux : le projet de loi dit « 4D » (différenciation-décentralisation-déconcentration-décomplexification) est un ensemble hétéroclite de mesures d’ajustement des compétences et des relations entre l’Etat et les Collectivités locales.

Aucune des interrogations majeures sur la politique de Protection de l’Enfance n’y est traitée, mais deux « dispositions diverses » y sont inscrites : le transfert de la responsabilité des pupilles de l’Etat aux départements et le transfert des directeurs des structures de protection de l’enfance de la FPH vers la fonction publique territoriale. Drôle de parallèle et symbole saisissant ! Le risque identifié est d’ouvrir la boite de Pandore en s’attaquant au statut des grandes Ecoles, et surtout en entrouvrant la porte au démantèlement du corps des D3S

En novembre 2020, le rapport de la Cour des comptes sur la protection de l’enfance faisait à nouveau le diagnostic des dysfonctionnements, et soulignait : « l’Etat, qui devrait être en mesure de garantir l’égalité de traitement des enfants protégés sur le territoire, n’assure pas ce rôle aujourd’hui » ; le rapport insistait sur les nécessités de coordination intersectorielle (santé, éducation, handicap) pour piloter les actions.

Une concertation factice sur une décision ficelée.

Le 9 mars 2021 une réunion de concertation sur l’article 31 du projet est organisée par le ministère des solidarités (DGOS, DGCS) et le CNG, la réaction du CHFO est vive, nous refusons d’être cantonnés dans une échange sur les conséquences et la mise en oeuvre, il s’agit de revenir au “pourquoi” de la mesure. A l’évidence les services de ministère répondent sans conviction à une commande extérieure, ils font valoir la perspective flatteuse d’être détachés dans le corps des administrateurs territoriaux, promesse qui n’engage que ceux qui l’écoutent. Le CNG lâche ses troupes sans hésiter, faisant valoir que la gestion des directeurs de la protection de l’enfance pose souvent des difficultés ! 

En fait la machine est déjà en marche, le projet de loi est déposé au Conseil d’Etat, une commission des statuts est organisée dès le 17 mars, puis un Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière le 25 mars, qui doit être re-convoqué le 2 avril suite à un vote défavorable unanime sur cet article. Force Ouvrière y a contribué en soulignant l’incohérence et les risques de cette disposition, et FO émet aussi un vote négatif lors du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale alors que d’autres s’abstiennent, laissant ainsi passer le texte.

Le CHFO a saisi le ministre des solidarités pour un nouvel arbitrage le 7 avril, faisant appel à la cohérence de ses différents départements ministériels, et à l’unité de la Fonction publique hospitalière. Face à la vigueur des réactions, les cabinets des 2 ministères (Solidarités et Cohésion des territoires) organisent une rencontre commune des OS avec l’Association des Départements de France, rencontre qui tourne à la débandade, l’ADF ne daignant pas se déplacer.

De nombreuses interventions convergentes ont été entreprises pour faire valoir les arguments de raison pour ne pas procéder ainsi, mais quelle que soit la forme très médiatisée ou non, aucune réponse favorable n’a été obtenue.

En fait le projet de loi est déposé au Sénat le 12 mai 2021, dans une version largement remaniée. Le langage évolue, il s’agit désormais de la Loi 3DS et de l’article 40, mais le fond du problème reste le même.

Le CHFO a continué de persévérer tout au long de la procédure parlementaire. Lire nos communiqués précédents Cf notre Newsletter du 09 mars 2021 Cf notre Newsletter du 24 mars 2021 Cf notre Newsletter du 17 mai 2021.

La première lecture au Sénat

Le gouvernement a décidé de déposer le projet en première lecture au Sénat, voulant en faire un symbole de sa volonté de décentralisation. Lors de son audition par la commission des lois du Sénat le 17 juin, Madame de Montchalin déclare : « les directeurs des IDEF étant détachés dans la fonction publique territoriale, cela permettra au président de département de mieux les piloter ». L’intention était donc bien de mettre fin à l’équilibre actuel qui distingue l’élaboration et le contrôle de la politique de protection de l’enfance dans le département par le CD, et sa mise en œuvre par les opérateurs que sont par exemple les IDEF. Le CHFO, le répète depuis le départ : cette opération entraînera indéniablement des conséquences dommageables à la fois pour les établissements et leurs équipes mais aussi pour les publics accueillis. En effet, la distinction des rôles est utile pour le Département comme pour les opérateurs. Le principe d’indépendance est indispensable pour pouvoir saisir les autorités compétentes et préserver les capacités partenariales, notamment avec les autorités judiciaires ou les ARS. Il est regrettable de constater que cette disposition ne semble pas fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Pire encore, elle est non seulement dépourvue d’utilité mais conduira de surcroît à fragiliser le fonctionnement existant, en plaçant le directeur en position de détachement dans la Fonction publique territoriale, elle le coupera ainsi de l’ensemble de ses équipes.

Le CHFO est auditionné par les rapporteurs du projet au Sénat le 7 juin,  et pour enfoncer le clou, il saisit l’ensemble des sénateurs Cf notre courrier du 01 juillet 2021. Des rencontres et des échanges s’en sont suivis. 

Malgré un premier amendement repoussé en juillet au Sénat, le CHFO a poursuivi son action incessante en rencontrant régulièrement des parlementaires. Plusieurs sénateurs et députés ont loué la qualité des échanges et les propositions portées par le CHFO.

Si le projet d’article entendait régler le « sort » des actuels directeurs par ce détachement, elle a surtout généré l’incertitude. L’enquête du GESPO réalisée entre le 19 et le 29 juin 2021 révèle que seuls 14% des directeurs concernés souhaitent rester dans ce nouveau cadre, alors qu’ils font état dans leur immense majorité d’une relation constructive avec l’autorité de tutelle départementale. Et cette interrogation pour l’avenir s’est transformée en crise immédiate de gouvernance. La principale conséquence est une absence de solution dans la gestion actuelle des établissements avec des postes vacants, gelés, des intérims de direction sans fin, usant les professionnels en poste. Pour l’avis de vacances de poste du 01er septembre, la DGOS a retiré tous les postes de chefs d’établissement de la Protection de l’Enfance pour les élèves directeurs sortants de l’EHESP, une première, historique.

En pratique, la disposition va entraîner l’assèchement du recours à ces professionnels formés, car on ne connaît aucun métier de la fonction publique à qui l’on « promet » d’exercer systématiquement par détachement dans une autre fonction publique. Et cela nuit gravement à l’attractivité des emplois, déjà fortement érodée. L’état de nos établissements, le niveau des besoins sont tels que notre système ne saurait se permettre de telles « pertes en ligne ». Pour toutes ces raisons, le CHFO a demandé le retrait de cette disposition aussi néfaste qu’infondée, et réclamé qu’une politique globale et ambitieuse de protection de l’enfance puisse être travaillée en réelle concertation avec l’ensemble des acteurs concernés au premier rang desquels nous nous trouvons.

Et maintenant la première lecture à l’Assemblée nationale

Le 1er septembre 2021, le CHFO a saisi les membres de la Commission des Lois ainsi que de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale Cf courrier du 01er septembre 2021.

Plusieurs parlementaires ont réagi. Au cours de rencontres, le CHFO a rappelé que les directeurs d’établissements de la protection de l’enfance relèvent d’un corps national, dont la carrière est gérée par le ministère des Solidarités et de la Santé. Nous avons également souligné notre attachement à l’EHESP qui prépare aujourd’hui spécifiquement à la gestion et au pilotage de ce type de structures, ce qui n’est pas le cas de formations relevant de la fonction publique territoriale. Nous avons enfin reprécisé que la nomination d’un directeur par le CNG s’effectuait après avis du Président du CD ou de son représentant, garantissant ainsi le rôle des Départements dans le processus de nomination, de même qu’au moment de leurs évaluations.

Les directeurs effectuent une carrière mobile sur le territoire national mais aussi entre structures à vocation sociale ou médicosociale (handicap, santé mentale, enfants, adultes,…) ce qui conforte leur expérience et leur compréhension des nécessaires articulations intersectorielles. Les directeurs se trouvent ainsi être les vecteurs et garants d’un fonctionnement d’établissements qui sont au confluent de plusieurs « mondes » (hospitalier, médico-social, justice,…). Concourir à la mise en œuvre des politiques sociales, médico-sociales et sanitaires au sein d’un territoire, favoriser l’intégration de l’établissement dans un tissu social, médico-social et sanitaire permettant une prise en charge globale et coordonnée des personnes accueillies ou accompagnées ainsi que de leurs familles, sont les missions du Directeur d’établissement social et médico-social.

Et pendant ce temps, un autre projet de loi sur la “protection des enfants” !

En parallèle, le projet de Loi sur la Protection des enfants ou Loi Taquet qui a été déposé le 16 juin 2021 à l’Assemblée Nationale, est débattu en séance publique au Sénat les 14 et 15 décembre. Si un débat sur l’organisation est nécessaire, il se devait de trouver sa place aussi dans ce projet de loi. Le CHFO a donc saisi les sénateurs pour proposer des amendements sur ce texte. Cf notre courrier du 18 octobre 2021Alors que les sénateurs débattent de la définition d’une stratégie de maîtrise des risques de maltraitance dans les établissements. Nous avons insisté de manière conséquente auprès des parlementaires pour que cette stratégie prenne en compte, notamment en son article 5, la santé globale des enfants protégés. Il nous semble primordial que les schémas d’organisation sociale et médico-sociale s’attachent à prendre en considération la santé des enfants au sens large. Le CHFO a pu repréciser aux parlementaires que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La santé est ainsi prise en compte dans sa globalité et est associée à la notion de bien-être. Il serait de bonne augure de s’en inspirer.

Le CHFO est allé encore plus loin en demandant l’ajout d’une disposition dans la Loi Taquet pour garantir une formation avec un socle national commun à l’ensemble des professionnels impliqués dans la Santé de l’Enfant, au sens large. Un des objectifs est de permettre aux professionnels de la Protection de l‘enfance l’obtention d’un diplôme national de l’enseignement supérieur, délivré par l’université, s’appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS. Nous pensons également comme urgent et prioritaire que la logique du projet de loi Protection des enfants renforce l’exigence de formation de l’ensemble des professionnels intervenant sur ce secteur.

Où en est la loi 3DS aujourd’hui ?

Le 17 novembre 2021, 5 députés issus de la majorité présidentielle déposaient un amendement visant la suppression de l’article 40, s’appuyant sur les arguments avancés par le CHFO. Mais l’amendement n’a finalement pas été soutenu en commission.

Les séances publiques se déroulent du 06 décembre jusqu’au 04 janvier 2022, avec un débat et un vote, article par article. Deux nouveaux amendements ont été déposés par les parlementaires, le 01er décembre l’amendement 1266 et le 02 décembre l’amendement 2544, reprenant les arguments défendus par le CHFO depuis le départ. Les prochains jours s’avèreront cruciaux pour l’avenir des directeurs de la Protection de l’Enfance, et plus largement, révélateurs du dessein pour les D3S.

Les professionnels de la Protection de l’Enfance, à l’instar des directeurs d’établissements, ont fait et font preuve de leur engagement ; ils conservent l’intérêt supérieur de l’enfant chevillé au corps. Une société moderne, dit-on, se mesure à sa capacité à protéger les plus vulnérables. Le CHFO souhaite faire entendre la voix de ceux que l’on entend peu ou mal : les enfants qui sont protégés et accompagnés dans nos structures.

Le CHFO reste en alerte pour une vision au service des usagers et ne lâchera rien pour défendre les collègues D3S !

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