La déclaration liminaire des représentants CHFO
Analyser et comprendre les conditions actuelles d’exercice des directeurs d’hôpital est un devoir collectif, notre devoir dans cette commission paritaire nationale, si l’on veut donner du contenu au dialogue social ainsi qu’une perspective pour notre métier et notre corps.
Au moment où s’esquisse une sortie de crise sanitaire, il y a des victoires collectives à l’honneur de notre système de santé et de nos établissements. La responsabilité de santé publique a pris le pas sur le raisonnement marketing, voire mercantile ; l’exigence d’égalité et de non-abandon a primé sur la performance exclusivement économique.
Est-ce la fatigue des équipes et des collègues qui empêche de tirer tout le bénéfice de ces changements de paradigme ? Peut-être en partie mais pas seulement. Il ne faut certes pas oublier trop vite ces changements, et le CHFO entend les faire fructifier.
Il demeure cependant que toutes les leçons n’ont pas été tirées, et qu’une évaluation indépendante de la gestion de crise, dégagée de tout esprit hagiographique reste à faire. L’hypercentralisation des décisions et l’inflation de reportings redondants voire harcelants ont aussi prospéré pendant la crise et la marée ne se retire pas en cet automne.
Au premier plan, la crise profonde sur les ressources humaines des établissements
Si la sortie de crise sanitaire n’est pas euphorique dans nos établissements, c’est qu’ils se voient privés du mouvement de reprise perçu dans le reste de la société.
La FHF, lors de la présentation du PLFSS 2022, parle d’établissements exsangues. Pour beaucoup, même la perspective 2022 est trop lointaine : le quotidien est envahi par la crise des ressources humaines, les tableaux de service à boucler, les SMUR impossibles à maintenir, les maternités en mode dégradé. Et se profile l’échéance du 1er novembre et des contrôles comptables sur l’intérim, un coup de poker que nos établissements ne peuvent sans doute pas se permettre.
Un automne brumeux pour les hôpitaux
Alors même que l’Etat ne sait répondre sur le financement intégral cette année des surcoûts de la crise COVID, ou des accords du SEGUR dès leur première étape, a contrario, on n’hésitera pas à demander la 6ème version d’un PRE ou d’un PGFP à 10 ans, comme aux plus belles heures du COPERMO.
Tout cela ne se limite pas à un excès de tracas pour les équipes de direction. C’est l’offre de soins qui en souffre ! Il n’est plus besoin que les pouvoirs publics demandent des fermetures de lits, les lits se ferment d’eux-mêmes, comme la DREES l’a encore mesuré sur 2020. Certes, nous payons les effets d’une imprévision sur les besoins de formation, dictée par une culture malthusienne, mais qui peut soutenir que les salaires et les conditions de travail ne pèsent pas sur nos difficultés de recrutement. Des mesures sont engagées mais la crise est déjà là, et on maintient une théorie absurde sur le gel du point, tout en encourageant les employeurs privés à négocier sur les salaires. Alors les difficultés s’intensifient aussi sur toutes les catégories laissées en arrière du SEGUR.
Et les équipes de direction ?
Cette crise des ressources humaines touche aussi les corps de direction. Elle est flagrante pour les DS ou les D3S, comme en attestent les résultats de chaque publication de postes. A ce titre les discussions actuelles pour les DS, ou celles prochaines pour les D3S, sont des épreuves de vérité. Cette crise est encore à bas bruit pour les DH, mais la réduction des effectifs est là, comme la multiplication des organigrammes à trous ou encore le moindre succès du concours.
Pour en sortir, il faut une stratégie. Nous avons pris au mot la promesse d’un vrai dialogue stratégique inscrite dans la nouvelle doctrine de la fonction publique.
Et que dire de la campagne d’évaluation des chefs d’établissement sur emplois fonctionnels qui ne sont plus forcément évalués par le DG de l’ARS, parfois même, une simple visio leur est proposée. Après la précarisation à outrance des fonctions, il s’agit désormais d’un déclassement assumé par les pouvoirs publics. Ce traitement des directeurs, qui dirigent des établissements importants, au sein desquels les problématiques sont nombreuses et complexes, n’est pas acceptable, et n’est, par ailleurs, pas conforme à l’instruction du CNG, témoignant d’une erreur d’appréciation des ARS.
Un peu de prospective ne saurait nuire
A cet égard, nous demandions, dès le mois d’avril, d’engager le travail sur la stratégie pluriannuelle de pilotage des corps de direction. Elle a été esquissée au mois de juin, puis sans suite à ce jour. Nous maintiendrons notre exigence de traiter les sujets à la hauteur des enjeux : objectifs de recrutement pour répondre aux besoins, reconnaissance des évolutions du métier et des fonctions, formation, conditions de travail et santé, accompagnement des parcours. A l’heure du plaidoyer pour la négociation collective dans les établissements, il convient de donner l’exemple au niveau national.
Sur les questions statutaires et sur les emplois, le ministère avait fait quelques ouvertures au mois de juin, en intégrant plusieurs de nos demandes dans le programme de travail 2021-2022. Malheureusement la méthode reste toujours aussi éloignée de l’engagement de départ. Aucune proposition de travail et a fortiori aucune réponse n’est organisée entre 2 séances du groupe contact avec la DGOS qui devait seulement faire le point sur les dossiers.
Le bilan à ce jour parle de lui-même :
La prolongation au-delà du 30 juin des mesures d’accompagnement de la mise en œuvre des GHT n’a pas été faite ; il faut sans doute en déduire que le mouvement de recomposition et de directions communes est terminé.
Le projet d’amélioration du régime indemnitaire des élèves de l’EHESP n’a encore fait l’objet d’aucune consultation des OS.
Et enfin, la nouvelle proposition pour la promotion à la Hors classe qui devait nous être soumise au mois de septembre reste inconnue. Pourtant il y a urgence, le tableau 2021 établi sans critères validés et avec un calcul restrictif du nombre de promouvables peut et doit être complété. La campagne d’évaluation 2021 est engagée et on laisse évaluateurs et évalués dans l’ignorance des règles qui vont s’appliquer pour la promotion 2022. Qui tolèrerait cela d’un directeur dans nos établissements ?
Dans le même temps, l’Etat n’est pas avare d’objectifs contraignants et de délais contraints envers les directeurs. Pourquoi ne peut-il s’astreindre à un minimum d’exemplarité sur les objectifs et délais auxquels il consent pour lui-même ?
Pour le CHFO, la loyauté des directeurs ne va pas sans un minimum de réciprocité. Gageons que cet automne ne laisse pas seulement place aux feuilles … et lettres mortes, mais permette aussi aux hospitaliers de se parer des couleurs de la relance !