Nos établissements de santé ont-ils besoin de directeurs ?
Certes oui ! Les Pouvoirs Publics doivent également en être convaincus !
La réponse positive parait évidente quand il s’agit de gérer l’obligation vaccinale, de jongler avec des tableaux de services acrobatiques dans le contexte de pénurie, de mobiliser en faveur de la solidarité entre établissements, ou bien encore de produire la nième version d’un PGFP pour les 10 ans à venir.
Pourtant, à l’inverse, le doute est vraiment permis, compte tenu de la pratique actuelle relayée par certaines autorités de recrutement pour les republications voire « certains oublis » de publication.
En 2020 déjà, un projet de loi soi-disant de simplification avait envisagé la systématisation des intérims pour une durée pouvant s’étaler jusqu’à un an.
Cette situation est préjudiciable, à la fois pour les collègues auxquels échoit cette charge, il est d’ailleurs de plus en plus difficile de trouver des collègues qui assurent des intérims, et tant pis pour les établissements qui doivent rester dans l’incertitude plusieurs mois durant, voire parfois au-delà d’un an.
Un théâtre d’ombres ?
Progressivement, ainsi nombreux sont ceux qui pensent que le processus de nomination aux emplois supérieurs de DH est devenu un véritable théâtre d’ombres.
En 2020 encore, la motivation réelle des régressions qui avaient été imposées par le décret des emplois supérieurs avaient été clairement exprimées lors de la commission des statuts fin janvier : « Il s’agissait en fait d’un mouvement global visant à écarter les organisations syndicales des processus de nomination dans la fonction publique. »
En effet, ce mouvement se confirme : le terme écarter doit être compris au sens radical du mot, l’objectif est-il de priver véritablement des moyens de contrôler le respect des règles et de la capacité d’informer la profession. Qu’on ne se trompe pas de débat : il ne s’agit pas d’une question de pouvoir des OS, mais plutôt de comprendre que les explications qui leur sont refusées en vérité sont aussi refusées aux collègues intéressés.
Sur les emplois qui restent non pourvus, aucune notification personnelle, ni explication n’est produite auprès des candidats. De plus le pouvoir de réévoquer ces résultats infructueux en instance collégiale a été refusé par le CNG et l’amendement que nous avions proposé en ce sens rejeté.
En vérité, lorsque des explications sont formulées c’est souvent parce que la décision fait trop de bruit. Quelles valeurs accordées à des explications qui sont plus comprises comme un écran de fumée. La profession est encore tout émue du souhait d’une ARS « d’élargir le panel ». Faut-il que désormais l’instance collégiale cesse son travail de sélection et adresse toutes les candidatures au prix de la multiplication des déplacements et des entretiens à la fois chronophage et couteux ?
Il convient de revenir à la raison.
Un mal plus profond
Sans doute pour cela, faut-il soigner un mal plus profond qui attaque le pilotage du système de santé de nos établissements. Ceux-ci se trouvent aujourd’hui coincés entre une volonté de centralisation et de verticalisation importante des décisions, et un principe d’autonomie qui devrait laisser la place à une contractualisation transparente sur les objectifs et un fonctionnement reposant sur la confiance vis-à-vis des directions qui le méritent bien.
La crise sanitaire n’a pas atténué la première tendance, le service public hospitalier se retrouvant au cœur du régalien, et sous la menace vécue comme sclérosante d’une inflation normative et d’un reporting extrêmement tatillon.
Pour autant la doctrine officielle poursuit l’éloge de la proximité dans les territoires et du management participatif, elle maintient les formes de l’autonomie avec l’avantage de renvoyer les responsabilités à « la base ».
Toutes ces contradictions restent pour l’instant irrésolues. Cette ambiguïté n’est pas le résultat d’un « non-choix » : elle est vraisemblablement la méthode qui a conduit à affaiblir le service public sanitaire sans véritablement l’assumer.
Cette posture, on la retrouve malheureusement dans la gestion de nos emplois :
- La réduction volontaire et drastique des effectifs des cadres de direction, il ne faut pas en faire un objectif mais seulement un constat fataliste.
- Et pour les recrutements, combien de fiches de postes sans omission essentielle ou sans erreur factuelle ? Combien de ces fiches expriment les vrais objectifs qui seront ensuite assignés aux chefs d’établissement ?
Alors, comment s’étonner ensuite quand se révèlent les vrais objectifs, que pointe alors la cacophonie et la colère des acteurs de terrains, acteurs qui s’ils ne peuvent emporter la décision peuvent encore la bloquer …
Agir vite et concrètement
Le CHFO demande donc très concrètement :
- Qu’il soit procédé à une campagne d’évaluation de la qualité des fiches de postes diffusées entre septembre 2020 et septembre 2021 et la véracité des objectifs demandés aux professionnels en poste
- Que les refus de choix sur un poste par les autorités de recrutement soient motivés en regard de ces fiches de postes et de ces objectifs comme doit l’être une décision administrative
- Que chaque instance collégiale soit saisie des résultats du tour précédent pour évaluer le travail de sélection effectué.
- Enfin que le système d’évaluation soit fondé sur la confiance entre l’ARS et les chefs d’établissement, et non pas sur une défiance tatillonne qui multiplie les contrôles et les tutelles.
Ainsi le CHFO demande que l’on revienne sur les procédures d’évaluation des chefs d’établissements. A titre d’exemple, la crise ne peut servir de caution à un délai de 2 années sans établir un point direct avec celles et ceux qui ont piloté les structures sanitaires et médico-sociales, a fortiori dans le contexte qui était le nôtre depuis plusieurs mois.
Comme nous l’indiquions récemment, les adhérents du CHFO comptent sur l’engagement du Ministre des solidarités et de la santé, au sortir du Ségur, pour relancer le dialogue social et aussi pour que les établissements se voient attribuer l’ensemble des crédits en lien avec les effets budgétaires et en année pleine du SEGUR.
Cette ambition parait réaliste à condition que, dans toutes les régions, la voix de la confiance prévale entre les établissements et les autorités investies du processus de nomination. Les collègues souhaitent que soient respectées les capacités et compétences dans le processus de nomination. Dans la situation que nous connaissons où les conditions d’exercice sont dégradées par la crise sanitaire nous souhaitons également que les directeurs soient protégé contre les atteintes à leur fonction ou le « directeur baching ». A l’évidence, cet ensemble de vœux est fondé sur la confiance dans l’utilité d’un dialogue social qui doit être conforté. Partout où cela fonctionne, les résultats s’avèrent probants.