Oui, le décret « emplois supérieurs » est bien un phare de recul

Paru en douce le 2 aout, le Décret n° 2020-959 du 31 juillet 2020 relatif aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière entre donc en application ce mois de septembre 2020. Que le CNG assure l’information sur les dispositions prises, c’est bien son rôle, mais de là à parler dans sa Lettre d’information N°2 de « mesures phares pour les directeurs », il y a un pas qui fait que la communication frise la provocation. Alors, jetons une lumière un peu plus crue sur ce texte dont la version finale n’apporte aucune heureuse surprise.

Ce qu’il faut retenir en synthèse :

1 / Le décret crée une catégorie « emplois supérieurs » ?

Ce n’est pas exact, c’est la loi du 6 aout 2019 qui crée la notion d’emploi supérieur dans la fonction publique hospitalière. Non prévue dans la version initiale du projet, elle avait été introduite pour « donner un nom » aux emplois qui sont par principe ouverts aux contractuels, sans avoir à s’appuyer sur les motifs de recours prévus pour l’ensemble de la FPH.

L’ego des directeurs se serait donc bien passé de cet « honneur ». Aucune autre définition des emplois supérieurs n’est posée dans la loi ; le décret du 31 juillet en fixe simplement la liste. La loi laisse donc ouverte toute modification ultérieure de cette liste.

Ce qui change en pratique ?

L’ensemble des emplois de chefs d’établissements, fonctionnels ou non, étaient déjà ouverts au recrutement de non-fonctionnaires ; désormais la possibilité est élargie aux emplois fonctionnels d’adjoints (un peu moins d’une centaine).

Jusqu’alors, le recrutement de non-fonctionnaires sur ces emplois ne devait pas dépasser un plafond de 10% des nominations annuelles de chefs d’établissement dans chacun des 2 corps. Le plafond est supprimé.

2/ Le décret crée la notion d’offre d’emploi ?

Pour être précis, le décret substitue à la notion de profil de poste celle d’offre d’emploi. Cette substitution paraît relever avant tout de la bataille symbolique contre la culture fonction publique, et c’est sans doute effectivement un élément « phare » de la loi d’aout 2019 et de ce décret.

Ce qui change en pratique ?

La rédaction du décret oblige à ce que la publication donne un accès direct à l’offre d’emploi rédigée. Il faudra veiller à ce que cela ne conduise pas à appauvrir les contenus mais au contraire à veiller à leur qualité régulière.

3/ Le décret élargit les conditions d’accès des fonctionnaires aux emplois supérieurs ?

La note du CNG cite la liste des catégories d’autres fonctionnaires (hors DH et D3S) pouvant accéder aux emplois supérieurs, inscrite à l’article 6 du décret. Mais il n’y a pas de nouveauté dans cette liste.

Ce qui change en pratique ?

Deux éléments que ne mentionne pas la note du CNG : d’une part les fonctionnaires inscrits sur la liste d’aptitude DH peuvent candidater sur les emplois de chefs non fonctionnels ; d’autre part les conditions pour accéder aux emplois fonctionnels sont alignées sur les conditions générales d’accès aux emplois supérieurs de l’Etat, soit 6 années d’expériences professionnelles diversifiées qualifiant pour les fonctions supérieures (auparavant il fallait être en hors classe et justifier de 8 années de service dans un corps donnant accès).

4/ Le décret élargit les conditions de recours au contrat ?

Comme vu au point 1, c’est bien ce qui a motivé l’introduction de la notion d’emplois supérieurs. Outre la liste de ces emplois élargie aux emplois fonctionnels d’adjoint et la suppression du plafond, le décret précise les conditions de recrutement, d’emplois et de rémunération des non-fonctionnaires, la loi demandant d’organiser l’égalité d’accès et de traitement.

Le principe d’égalité de traitement vaut dès le processus de recrutement, c’est le sens de notre demande d’application pleine et entière pour tous des critères de sélection à inscrire dans les Lignes directrices de gestion ; ensuite, la règle d’égalité de traitement vaut pour la rémunération dans son ensemble y compris la prise en compte de l’expérience, ou encore le logement par nécessité absolue de service ; cela devrait éviter pour l’avenir les contrats exorbitants dans un sens ou l’autre.

Reste une différence de base qui montre bien que l’argument d’introduire de la diversité dans les emplois supérieurs ne tient pas : il n’est pas question d’intégrer à terme les contractuels sur emplois supérieurs ni même de les « CéDéiser ». Il s’agit bien d’un cran de plus dans la précarisation des fonctions.

5/ Le décret crée une instance collégiale en substitution du comité de sélection ?

Aurons-nous un jour une motivation explicite de cette substitution ? On peut désormais en douter. S’agit-il seulement d’un réflexe basique d’alignement sur le texte concernant les emplois supérieurs de l’Etat ? Sans doute pour partie, mais nous considérons qu’il y a aussi une intention d’effacer un cadre officiel de dialogue avec les représentants des directeurs désignés par les syndicats représentatifs. D’où la difficulté à assumer cette réforme au moment où le ministre déclare vouloir « remettre le dialogue social au cœur de ce ministère » (conclusion des travaux du SEGUR le 10 juillet).

Ce qui change en pratique ?

Sur le processus de sélection : Il n’y a plus le processus préalable d’agrément aux emplois fonctionnels. Pour l’ensemble des emplois supérieurs, après examen des candidatures, l’instance collégiale arrête la liste des candidats transmis à l’autorité de recrutement (ARS, Préfecture ou chef d’établissement pour les EF adjoints), alors qu’auparavant le comité de sélection émettait un avis.

Sur la composition de l’instance collégiale et son fonctionnement : les décrets relatifs aux comités de sélection DH et D3S fixaient une composition précise. Le nouveau décret laisse une marge de manœuvre importante au Directeur général du CNG avec seulement un nombre minimal de 3 personnes et des conditions à remplir pour 2 d’entre elles. Donc il reste possible de reconstituer un équivalent des comités de sélection antérieurs, c’est ce qui est en discussion actuellement avec le CNG.

Puisque la loi réaffirme l’exigence d’égal accès aux emplois, il s’agit de donner des éléments de transparence sur le processus et des repères de stabilité sur ses règles. Au moment où sont proclamées la volonté de changement de méthode et la priorité à la concertation, il y a une occasion de cas pratique.

Ces quelques points de synthèse n’épuisent pas l’ensemble des sujets traités par le décret du 31 juillet 2020.

En effet, celui-ci ne se limite pas à fixer la liste des emplois supérieurs et leurs règles de recrutement et d’emploi, comme le demandait la loi du 6 aout 2019. Il abroge les décrets relatifs aux emplois fonctionnels et à l’emploi des non-fonctionnaires, et reprend leurs dispositions. Cela se fait globalement à droit constant.

Cependant l’article 16 supprime la possibilité de prolonger de 8 à 10 ans le détachement sur emploi fonctionnel, malgré les amendements convergents soutenus au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Sur le plan formel, le décret reprend la définition des emplois fonctionnels et inscrit les seuils budgétaires de classement des emplois. Pour l’heure, l’urgence est à l’actualisation des listes ; celle-ci ne suit aucun calendrier stable et les retards lèsent les collègues en responsabilité.

Vous pouvez télécharger ci-joint une version du décret enrichie d’un sommaire interactif et thématique : Décret n°2020-959 du 31 juillet 2020

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